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compagnies minières, qui, disposant de forces motrices artificielles, peuvent travailler à meilleur marché et réaliser des bénéfices plus considérables. Leur nombre diminue d’autant plus vite que ces compagnies leur offrent en général un salaire certain plus élevé que le gain aléatoire du travail libre. Néanmoins l’amour de l’indépendance et les chances heureuses qui favorisent de temps à autre l’un d’entre eux sont cause qu’il y a toujours un grand nombre d’hommes adonnés à cette industrie. Ce ne sont pas en général les meilleurs ouvriers : les hasards et les misères de cette existence vagabonde séduisent surtout cette partie de la population qui vît sans souci du lendemain, et consacre volontiers quelques jours à la débauche après une semaine d’un labeur opiniâtre et fructueux.

Rien de plus triste que l’aspect du pays sur lequel se sont exercés les diggers de cette catégorie. Le sol est retourna en tous sens ; les arbres ont été impitoyablement rasés ou brûlés partout où ils gênaient les fouilles ; des tas de graviers et de détritus sont amoncelés çà et là ; l’eau de pluie croupit dans les puits à demi éboulés, et les ruisseaux sont transformés en fleuves de boue par le lavage des minerais. Si la veine féconde que les mineurs ont attaquée se prolonge sous le domaine d’un malheureux colon, on démolit sa maison, on arrache ses clôtures et l’on bouleverse toutes ses cultures. Les chercheurs d’or ont fait reconnaître comme un des articles de leur charte le droit de s’emparer de tout terrain où la présence du métal précieux est soupçonnée, sauf bien entendu à indemniser au préalable les victimes de cette expropriation violente. On raconte même qu’une ville, Maldon, déjà florissante et constituée en municipalité, fut menacée un jour d’une destruction subite par les travaux des mineurs qui suivaient un filon au-dessous, de la surface qu’elle occupait ; des puits furent creusés au milieu des rues. Les habitans ne s’y opposèrent pas, intéressés plus que qui que ce soit au succès des mines qui étaient toute leur fortune.

Tels sont les incidens que présente l’exploitation des alluvions superficielles et dont on retrouve à chaque pas les traces plus ou moins récentes en visitant les districts miniers de la Victoria, qui sont les plus intéressans et les plus fructueux du monde austral. Lorsqu’on se met à fouiller les alluvions anciennes qui sont cachées à une plus grande profondeur, les champs d’or se transforment bien vite, ainsi qu’on s’en aperçoit aux environs de Ballarat, capitale du district de même nom et l’un des centres les plus importans de l’industrie minière. Le lieu où la ville de Ballarat a été édifiée n’était avant 1851 qu’une forêt encore inconnue. Les tentes des premiers jours ont été remplacées d’abord par des maisons en bois, puis par des édifices en pierre. On y remarque plusieurs beaux monumens