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hommes, qui courent à la fortune avec tant d’empressement, quand ils trouvent une rémunération de leurs fatigues et de leurs épreuves ! Il n’en est pas toujours ainsi. Vers le milieu de l’année 1858, sur le bruit faussement répandu que des diggings avaient été ouverts à Canoona, sur les bords de la rivière Fitz-Roy, dans la Terre-de-la-Reine, toute la population mobile des autres provinces s’y rendit sans perdre un instant. Trois mois après, 10,000 hommes étaient réunis dans ce canton presque désert, dont l’or, disséminé sur quelques hectares et sur une faible épaisseur, fut aussitôt épuisé. La plupart, revenus ruinés et désappointés, gagnèrent avec peine la ville de Sydney, où les habitans paisibles, inquiets de cette population flottante sans ressources, durent se cotiser afin de leur fournir les moyens de retourner dans les districts plus productifs de la Victoria et de la Nouvelle-Zélande.

Sur les champs d’or de la Victoria, les plus importans de ceux dont il s’agit ici, l’état des choses s’est bien modifié depuis une dizaine d’années. Les associations ouvrières, aidées par d’énormes capitaux, ont remplacé les efforts individuels. L’industrie minière des antipodes s’est calquée sur les entreprises similaires de l’Europe ; mais, avant d’examiner la situation présente des diggings, il convient d’étudier la nature même des terrains aurifères et de jeter un coup d’œil sur les conditions au milieu desquelles les mineurs poursuivent leurs travaux.


II

Lorsqu’on examine les plantes et les animaux bizarres qui peuplaient le continent austral avant que l’Européen en prît possession, on est tenté de croire que ce continent est, suivant une expression heureuse de Cuvier, un fragment d’une autre planète qui serait tombé par hasard sur notre globe. Au premier abord, les types distinctifs de la faune et de la flore indigènes paraîtraient même remonter plus loin que l’époque géologique contemporaine, car les animaux gigantesques des anciens âges, dont les débris fossiles se retrouvant dans les couches sous-jacentes, appartiennent, de même que ceux du temps présent, à l’ordre des marsupiaux. On dirait que la nature a réservé pour cette terre, à tous les âges du monde, un mode spécial de gestation, intermédiaire entre les ovipares et les vivipares. La sarigue et le kangurou, introduits dans nos jardins d’acclimatation, nous ont familiarisés avec ce phénomène singulier dont les naturalistes n’ont observé aucun exemple en dehors de l’Australie. Les végétaux de ce pays, transplantés en Europe depuis plusieurs années, ne nous frappent pas moins par l’aspect exotique