Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 54.djvu/861

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et qu’en conséquence ce métal devait se rencontrer sur le continent austral en quantité suffisante pour alimenter une exploitation fructueuse. Il engageait hautement le gouvernement et les colons eux-mêmes à vérifier ses assertions. Au reste on ne comprendrait guère que la population australienne, déjà nombreuse et disséminée comme elle l’était sur de vastes espaces, n’eût pas encore reconnu la valeur des terrains aurifères qu’elle, foulait aux pieds, si l’on ne savait quelle insouciance ont les hommes pour tout ce qui ne concerne pas directement leurs travaux de chaque jour, et que d’ailleurs l’or gît surtout dans des cantons relativement stériles que l’industrie pastorale n’aime guère à fréquenter. Il y eut quelques exemples de cette négligence incroyable qui fait que l’on passe quelquefois à côté d’un trésor sans en soupçonner la valeur. Ainsi l’on raconte qu’un peu avant la découverte de l’or dans la Nouvelle-Zélande un indigène du pays avait ramassé un nugget[1] d’une énorme grosseur qu’il prenait pour une pomme de terre, et l’avait rejeté aussitôt en reconnaissant son erreur. Cependant en 1849 et 1850 la presse locale ne cessait d’exciter le zèle des explorateurs et de les engager, sur la foi de sir R. Murchison, à trouver dans leurs propres montagnes ce que d’autres allaient chercher en Californie.

Ce fut enfin au mois de mai 1851 que M. Hargreaves, mineur australien, revenu dans la Nouvelle-Galles du Sud, après un court séjour en Californie, réussit à récolter de l’or en quantité notable aux environs de Bathurst. Guidé par la similitude d’aspect qu’il avait observée entre les montagnes de son pays et celles de l’Amérique du Nord, encouragé par les prévisions de sir R. Murchison et par les trouvailles de M. Clarke, dont il avait transpiré quelque chose en dépit des précautions du gouverneur, il entama le sol à coups de pioche, lava les détritus dans son petit plat d’étain, à la mode de Californie, et put enfin recueillir, un peu de cette poudre. d’or qui allait produire un changement si radical dans la situation économique du pays. Le gouvernement de la Nouvelle-Galles du Sud ne fut pas ingrat envers l’homme qui avait mis le : premier la main à l’œuvre. Dans l’une des sessions suivantes, il proposait au conseil législatif d’accorder à M. Hargreaves, à titre de récompense, une somme de 125,000 francs que les députés eurent la générosité de doubler. Il y eut à cette occasion, et à propos de l’origine de cette

  1. On continue d’adopter ici les expressions du langage colonial lors même qu’il s’agit de choses définies ailleurs par un mot qui nous est plus familier. Le nugget est ce que les Américains appellent pépite, un fragment d’or natif de volume considérable. Les diggings (à proprement parler les fouilles) désignent les terrains d’où l’on extrait l’or, appelés ailleurs placers, et le digger est l’ouvrier mineur qui les exploite.