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mais quelle différence ! Pompéi est un Saint-Germain, un Fontainebleau antique ; quel abîme entre ces deux mondes !

Presque partout au centre de la maison est un jardin grand comme un salon, au milieu un bassin de marbre blanc avec une fontaine jaillissante, alentour un portique de colonnes. Quoi de plus charmant et de plus simple, de mieux choisi pour passer les heures chaudes du jour ? Les feuilles vertes entre les colonnes blanches, les tuiles rouges sur le bleu du ciel, cette eau murmurante qui chatoie vaguement parmi les fleurs, cette gerbe de perles liquides, ces ombres des portiques tranchées par la puissante lumière, y a-t-il un meilleur endroit pour laisser vivre son corps, pour rêver sainement et jouir, sans apprêt ni raffinement, de ce qu’il y a de plus beau dans la nature et dans la vie ? Quelques-unes de ces fontaines portent des têtes de lion, de petites statues gaies, des enfans, des lézards, des lévriers, des faunes, qui courent sur la margelle. Dans la plus vaste de toutes ces maisons, celle de Diomède, les orangers, les citronniers, semblables probablement à ceux d’autrefois, font briller leurs pousses vertes ; un vivier luit, une petite colonnade enferme une salle à manger d’été ; tout cela s’ordonne dans l’enceinte carrée d’un grand portique. Plus on essaie de restituer ces mœurs dans son imagination, plus elles semblent belles, conformes au climat, conformes à la nature humaine. Les femmes avaient leur gynécée dans le fond, derrière la cour et le portique, asile fermé, sans vue sur le dehors, séparé de la vie publique. Elles ne remuaient pas beaucoup dans ces étroites salles ; elles y reposaient paresseusement, en Italiennes, ou travaillaient aux ouvrages de laine, attendant que leur père ou leur mari eût quitté les affaires ou la conversation des hommes. Elles suivaient vaguement des yeux sur la muraille obscure, non pas des tableaux plaqués, comme aujourd’hui, des curiosités archéologiques, des œuvres d’un pays et d’un art différens, mais des figures qui répétaient et embellissaient les attitudes ordinaires, le coucher, le lever, la sieste, le travail, des déesses debout devant Pâris, une Fortune élégante et svelte comme les femmes de Primatice, une Déidamie qui, effrayée, se laisse tomber sur un siège. Les mœurs, les œuvres, les habits, les monumens, tout partait du même jet, d’un jet unique ; la plante humaine n’avait eu qu’une pousse et n’avait point subi de greffe. Aujourd’hui la civilisation dans la même contrée, ici, à Naples, est pleine de disparates, parce qu’elle est plus vieille, et que des races diverses y ont contribué. Beaucoup de traits espagnols, catholiques, féodaux, septentrionaux, sont venus brouiller ou déformer l’esquisse italienne et païenne primitive. Par suite, le naturel, l’aisance s’est perdue ; tout grimace. De toutes les choses qu’on voit à Naples, combien y en a-t-il vraiment