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capitaine qui avait souvent conduit les soldats de l’Union au combat et quelquefois à la victoire ? Était-ce à lui de baisser l’épée devant l’ennemi ? Après quelques hésitations, le général accepta la nomination du parti démocratique ; mais il le fit en des termes qui étaient un désaveu indirect de la plateforme du parti. Il prit la fiancée et repoussa la dot. « Je ne pourrais point, dit-il, regarder en face mes braves camarades de l’armée et de la marine qui ont survécu à tant de batailles sanglantes, et leur dire que leurs travaux, que le sacrifice de tant de nos frères ont été vains, que nous avons abandonné l’Union, pour laquelle nos vies ont été si souvent mises en péril. » Ailleurs il disait encore : « L’Union doit être maintenue à tout hasard. » Il se séparait ainsi des peace-democrats et se rendait l’organe fidèle des sentimens des war-democrats. Il savait que ces derniers étaient les plus nombreux, bien que leur influence n’eût pas été prédominante à Chicago. À leurs yeux, la guerre n’avait d’autre objet que le rétablissement de l’Union. Dès que les rebelles se montreraient prêts à traiter sur cette base, les démocrates de la guerre s’empresseraient de leur rendre la pleine et entière garantie de tous les droits constitutionnels, y compris la possession de leurs esclaves. Ils considéraient la proclamation émancipatrice et l’avènement des noirs comme des armes dangereuses et des obstacles au rétablissement de la paix. Ils disaient, comme le général Mac-Clellan : « L’Union est la seule condition de la paix, nous ne demandons pas davantage ; » mais, comme lui, ils subordonnaient tout à la nécessité de rétablir l’Union.

La lettre du général Mac-Clellan mécontenta les peace-democrats, et quelques-uns d’entre eux parlèrent un moment de réunir une nouvelle convention ; mais leur mauvaise humeur fut bientôt dissipée : ils comprirent que le nouveau président ne pourrait jamais se dégager entièrement de ceux qui le porteraient au pouvoir. La plateforme de Chicago demeurait l’expression officielle, si l’on me permet le mot, des opinions du parti : le patriotisme et l’honneur militaire de l’ancien général en chef des armées de l’Union avaient seulement mêlé quelques accens plus fiers au langage de la convention démocratique ; mais, comme le dit fort bien M. Charles Sumner dans un éloquent discours que j’entendis prononcer à Boston, « la rébellion n’est que l’esclavage armé, de façon que se rendre à l’esclavage, c’est se rendre aux rebelles. » La plateforme sacrifie l’Union ; la lettre professe l’amour de l’Union, mais sacrifie l’émancipation, sans laquelle l’Union est désormais impossible. La lettre dit : « L’Union est la seule condition de la paix, nous ne demandons pas davantage. » Si le candidat démocratique ne demande pas davantage, d’autres demandent davantage. Moi, je demande