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l’Union par les armes, si les compromis politiques ne pouvaient ramener les états rebelles. Les premiers étaient les moins nombreux, et l’opinion publique les avait flétris du nom de copperheads (nom d’un serpent d’Amérique) ; mais ils étaient remuans, actifs, logiques. Ils professaient ouvertement la doctrine des states-rights, c’est-à-dire de la souveraineté des états, doctrine qui, portée à ses dernières limites, aboutit au droit de sécession. Leurs sympathies étaient pour M. Jefferson Davis et pour l’esclavage, et s’ils n’avaient pas ouvertement joint les rebelles, c’est qu’ils conservaient l’espoir de détacher du nord les états frontières, ceux de l’ouest, et jusqu’à la Pensylvanie et New-York ; ils auraient reformé ainsi une confédération nouvelle qui n’eût exclu que les états abolitionistes de la Nouvelle-Angleterre. On ne peut douter que ces projets n’aient été le rêve favori de quelques démocrates ; le Mississipi avait été rendu aux fédéraux par la prise de Vicksburg ; les rebelles ne pouvaient dès lors conserver l’espoir de fonder un gouvernement indépendant que s’ils réussissaient à obtenir l’annexion spontanée et volontaire des vastes états de l’ouest et de la vallée mississipienne à leur confédération. Et si ce nouveau déchirement avait lieu dans le nord, ne pouvait-on détacher, aussi les deux grands états de New-York et de la Pensylvanie, où de tout temps le parti démocratique a eu tant de puissance ? Les copperheads avaient fortement organisé l’opposition dans tous les états frontières où, pendant si longtemps, l’influence des maîtres d’esclaves avait été prépondérante ; ils couvrirent tous ces états et ceux de l’ouest de sociétés secrètes, recrutées parmi tous les mécontens ; le général Price, ancien gouverneur du Missouri, qui avait déjà envahi son état natal en 1862, dans l’espérance de le conquérir à la sécession, revint dans cet état à la tête de vingt mille hommes, et annonça ouvertement qu’il venait faire un dernier effort pour arracher le Missouri aux armées fédérales. Dans le Kentucky le gouverneur Bramlette, dans l’état de New-York le gouverneur Seymour, étaient les meneurs de l’opposition la plus ardente et la moins scrupuleuse. Le Tennessee et la Louisiane n’étaient maintenus dans l’obéissance que par la présence des armées fédérales, et les républicains attendaient en vain le réveil de cet élément unioniste sur lequel ils avaient toujours compté pour rétablir dans ces états l’ordre légal. Toutes ces circonstances avaient rendu au parti démocratique son ancienne confiance. M. Vallandigham, de l’Ohio, condamné naguère, pour complicité avec les rebelles, à la prison perpétuelle, et, par ordre de M. Lincoln, simplement conduit au-delà des lignes fédérales, avait réussi à se rendre au Canada. Revenu aux États-Unis, il y donnait libre cours à son amère éloquence, et soulevait contre celui qui lui avait fait