Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 54.djvu/660

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’accroissement de la fortune générale par l’effet d’un travail mieux dirigé, et pour tous l’augmentation des profits et des salaires par l’effet d’un travail plus productif. Le travail même n’est plus ce qu’il était naguère ; grâce au concours de la science mécanique, un moins grand nombre de nos semblables sont courbés sous d’ingrats et exténuons labeurs ; chaque découverte donne la liberté à des milliers de bras pour rendre la vie à des milliers d’intelligences. Ce bienfait, dont la moindre machine en mouvement nous représente l’image, est un bienfait universel ; il est acquis à tous les peuples, à la seule condition que ceux-ci s’en rendent dignes par l’instruction. Peu importent le nombre et la vigueur des bras : l’avantage dans cette concurrence nouvelle, appartiendra aux plus instruits.

L’instruction ! Ce sera donc, ici encore, notre dernier mot. De même que les rapporteurs du jury, les délégués des ouvriers ont signalé la nécessité d’ouvrir des écoles d’arts et métiers, des salles de dessin, des musées, des bibliothèques. Les uns et les autres sollicitent le développement de l’enseignement industriel et de l’enseignement professionnel. Comment ne pas se joindre à de telles instances ? Oserions-nous dire cependant que nous sommes, en cette matière, plus modeste ou plus ambitieux ? Nous demanderions avant tout l’enseignement primaire. Il existe, mais dans une mesure qui, d’après un rapport lu récemment à l’Institut par M. le général Morin, n’est pas suffisante, et nous classe au-dessous d’autres nations auxquelles la France ne devrait point laisser cet avantage. Faut-il donc « ériger l’instruction primaire en devoir légal ? » expression très heureuse que nous trouvons dans un rapport du jury anglais, et qui nous dispenserait de scandaliser peut-être bien des oreilles en proposant tout crûment l’enseignement obligatoire ?… Si nous avions conservé à cet égard quelques doutes, même après avoir lu dans la collection des travaux du jury un remarquable rapport de M. Ch. Robert, rapport qui forme la suite d’études persistantes sur cette question, ces doutes se seraient en grande partie dissipés depuis que nous avons étudié les nombreux documens concernant l’exposition universelle. Il ne convient pas seulement de conquérir pour notre pays les profits de l’instruction ; il faut surtout écarter les périls de l’ignorance. Ces périls, dans la période de transition que traverse l’organisation industrielle, sont très sérieux : il y a malheureusement parmi les populations ouvrières et agricoles un fonds d’idées et d’expressions fausses qui risquerait d’égarer leur honnêteté naturelle, s’il n’était remplacé au plus vite par la simple et saine doctrine du premier enseignement. Au surplus, développer très largement l’instruction primaire, n’est-ce point poser les assises les plus solides et les plus sûres de l’enseignement professionnel ? En l’état actuel des choses, la multiplication préalable des écoles