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si brillant l’exposition universelle de 1851. Les rapports du jury français démontrent que ces progrès chez les principaux peuples ont dépassé toutes les prévisions, et s’ils exaltent avec raison les produits de l’industrie nationale, ils attestent en même temps les efforts inouïs qui ont été tentés partout, en Angleterre plus qu’ailleurs, pour disputer à la France la supériorité qu’elle avait conservée jusqu’alors sans conteste dans la fabrication des articles d’art et de goût. Il faut en prendre notre parti : la France n’a plus le monopole de l’art industriel. Elle a fait des élèves qui menacent de l’égaler et qui commencent à lui disputer la palme. Le jury tout entier a été frappé de cette compétition inattendue ; il a désiré que la question fût l’objet d’une étude spéciale, et cela nous a valu un rapport de M. Mérimée sur l’état actuel de l’art dans ses applications à l’industrie. Voici comment s’exprime M. Mérimée : « Depuis l’exposition universelle de 1851, et même depuis celle de 1855, des progrès immenses ont eu lieu dans toute l’Europe, et bien que nous ne soyons pas demeurés stationnaires, nous ne pouvons nous dissimuler que l’avance que nous avions prise a diminué, qu’elle tend même à s’effacer. Au milieu des succès obtenus par nos fabricans, c’est un devoir pour nous de leur rappeler qu’une défaite est possible, qu’elle serait même à prévoir dans un avenir peu éloigné, si dès à présent ils ne faisaient pas tous leurs efforts pour conserver une supériorité qu’on ne garde qu’à la condition de se perfectionner sans cesse. L’industrie anglaise en particulier a fait depuis dix ans des progrès prodigieux, et si elle continuait à marcher du même pas, nous pourrions être bientôt dépassés. » À ce témoignage viennent se joindre les déclarations des différentes sections du jury, déclarations qui ne sont pas exemptes d’inquiétudes au sujet de notre prééminence en fait d’art.

Aussi dans tous les rapports concernant les industries qui s’inspirent de l’art, l’on demande que le gouvernement multiplie les écoles de dessin, crée des musées, et prodigue les encouragemens à toutes les institutions propres à élever, à épurer le goût national. C’est là un vœu unanime, qui se justifie par l’exemple éclatant de l’Angleterre, car on a remarqué que le progrès de l’art industriel en Angleterre procède de la création du musée et de l’école de South-Kensington, qui, soit directement, soit par leurs nombreuses succursales répandues sur toute la surface du Royaume-Uni, ont formé en dix ans près de 100,000 élèves. Cette nature anglaise, que l’on croyait apte seulement aux robustes travaux de la manufacture, s’est révélée tout d’un coup fine, délicate, docile aux lois de la ligne et de la couleur, par l’effet d’un enseignement bien organisé. Si nous pouvons être fiers de l’émulation qu’ont excitée