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qu’on le prétend, on ne verrait point la terre augmenter de valeur, car la terre, comme toute autre propriété, ne vaut qu’en proportion de ce qu’elle rapporte. Or l’empressement avec lequel le capital la recherche prouve surabondamment que, malgré la hausse des salaires, le revenu de la terre s’accroît. Il existe donc un moyen, un moyen puissant, de combattre, dans l’intérêt de la production et du revenu net, les causes de cherté que nous venons d’indiquer. Ce moyen consiste à améliorer le travail de la terre en y appliquant avec intelligence les ressources du capital, en perfectionnant l’outillage et en remplaçant autant que possible par des engins mécaniques la main-d’œuvre devenue plus rare. C’est ainsi que le sol devient plus fécond et qu’il doit tout à la fois procurer au propriétaire une rente plus élevée, à l’ouvrier un salaire meilleur, et à la consommation une plus grande quantité comme une qualité supérieure de produits, sans qu’il y ait augmentation du prix des subsistances. Mieux encore : il est permis d’espérer que ce triple résultat peut être obtenu avec un abaissement de prix. Tout le problème réside dans la question du rendement.

Que l’agriculture anglaise ait à cet égard une certaine avance, cela paraît généralement admis ; mais il n’est pas moins évident que l’agriculture française, entrée plus tard dans les voies nouvelles, a réalisé déjà de très grands progrès. Il y a quinze ans, les instrumens agricoles figuraient à peine dans le catalogue des expositions. À cette époque, ridée d’installer une locomotive en plein champ eût été certainement taxée de folie. Quelle figure ébahie et moqueuse aurait faite un comice rural devant lequel un inventeur serait venu proposer de creuser des sillons à la vapeur ! La situation est bien changée. Aux engourdissemens de la routine a succédé une fièvre de progrès dont il faut maintenant que les esprits sages modèrent les accès et dissipent les rêves. Dans les concours régionaux, dans les moindres expositions locales, la classe des outils et instrumens tient aujourd’hui la plus grande place ; c’est celle qui excite le plus vivement la curiosité et l’attention des cultivateurs. Quand on entre dans les galeries où ces instrumens sont en marche, on se croirait transporté au milieu d’une usine : on entend les sifflemens aigus de la vapeur, les coups précipités des pistons, le jeu régulier des poulies et des engrenages. Quelle révolution ! Le rapport de M. Hervé-Mangon sur les instrumens et machines agricoles exposés à Londres en 1862 retrace, avec des détails pleins d’intérêt, l’historique des inventions, des expériences et des résultats qui éclairent cette grande question. On en est encore au début, et déjà « les machines ont pris possession de l’atelier rural comme de l’atelier industriel. » Jamais peut-être, à aucune époque ni dans aucune