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Quelques péripatéticiens, en acceptant l’invention nouvelle, la revendiquaient pour leur maître. Aristote en effet a dit dans un de ses livres qu’un homme, au fond d’un puits de grande profondeur, peut voir les étoiles en plein jour : l’identité de ce puits avec le télescope leur semblait manifeste. D’autres, moins ingénieux, mais non moins dévoués au maître, refusaient de perdre leur temps à discuter des découvertes qu’ils regardaient comme autant de fables, et détournaient simplement les yeux, dédaignant de voir ce qu’ils n’avaient pas enseigné. Telle était la conclusion d’un pamphlet de Francesco Sizy, auquel Galilée ne répondit pas, se bornant à écrire en marge ces quatre vers de l’Arioste :

Soggiunce il duca : non sarebbe onesto
Che io volessi la ballaglia torre
Di quel che m’offerisco manifesto,
Quando vi piaccia, innanzi agli occhi porre[1].

Ce pauvre Sizy alla en France chercher d’autres sujets de controverse, et les choisit si malheureusement que le 19 juillet 1618 il fut pendu et brûlé en place de Grève pour ses erreurs philosophiques.

On opposait encore à Galilée des objections d’une autre nature : il n’existe que sept métaux, le chandelier du temple n’avait que sept branches, et la tête n’a que sept ouvertures ; pourquoi y aurait-il plus de sept planètes ? D’autres enfin lui disaient sérieusement : « Est-il croyable que des astres existent au ciel sans que Ptolémée et ses successeurs les aient connus ? » Képler lui-même, préoccupé de ses idées sur l’harmonieux concert des mouvemens célestes, devait goûter difficilement les découvertes qui semblaient en troubler la majestueuse simplicité. Un seul regard dans une bonne lunette dissipa ses doutes. Toujours simple et droit et oubliant par un prompt changement toutes ses idées préconçues, il s’écria plein d’admiration, en empruntant les paroles attribuées à Julien mourant : Vicisti, Galilœe ! Dans son enthousiasme, et sans se préoccuper des questions de propriété littéraire, Képler fit imprimer à Prague le Sidereus Nuntius, en y ajoutant une belle préface que Galilée reproduisit aussitôt. Képler se plaignit. « J’avais, écrit-il à Galilée, imprimé votre livre à mes frais, et voilà que l’éditeur de Florence envoie en Allemagne des exemplaires de son édition. J’avais pourtant un privilège. Si vous reconnaissez à Florence l’autorité de l’empereur, j’ai droit de me plaindre ; » mais il ajoute

  1. « Il n’est pas nécessaire, répondit le duc, d’exposer au hasard d’une bataille une vérité que je puis, quand il vous plaira, mettre sous vos yeux. » Orlando, etc., canto V, st. 40.