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peuples aryens, chez lesquels en effet on les retrouve conçues de la même manière et portant quelquefois les mêmes noms. La présence de ces élémens communs prouve qu’un certain fond de dogmes existait dans la race aryenne avant que ses branches se fussent séparées du tronc primitif, et lorsqu’elle ne formait encore qu’une société d’hommes habitant les vallées de l’Oxus. Les anciens rites sacrés, l’autel, le feu, la victime, l’invocation aux dieux, se trouvaient également chez les divers peuples aryens avant qu’ils eussent subi l’influence sémitique du christianisme : ces faits prouvent moins l’antiquité du Vêda que l’existence d’un culte antérieur à la dispersion des Aryens.

Quoi qu’il en soit, on est forcé d’arrêter au Vêda l’histoire positive des religions aryennes. Si la science veut remonter plus haut, il lui faut d’autres moyens d’investigation que ceux dont les historiens disposent. Mais comme il n’est rien sur terre, au moins jusqu’à ce jour, comme il n’est aucun monument sacré plus ancien que la Bible et que le Vêda,. là sont les limites où s’arrête l’histoire appliquée à la science des religions. Au-delà de ces deux termes s’étend un horizon dont les bornes échappent à la science et que l’imagination elle-même ne peut embrasser. On voit bien que les périodes signalées par la Genèse et par le Vêda sous des formes mythiques ou symboliques occupent un passé déjà lointain pour les auteurs de ces livres, et cependant, quand on pourrait déterminer par une voie scientifique quelconque les principaux faits religieux qui s’y sont accomplis, on ne devrait pas, même alors, se croire parvenu aux origines des religions et des cultes, car, ou bien la première ébauche d’une religion remonte à l’apparition de l’homme sur la terre, ou bien elle a été le résultat d’un travail intellectuel prolongé durant des siècles nombreux. Dans l’un comme dans l’autre cas, les commencemens nous échappent. « Le commencement des êtres est insaisissable, dit un célèbre poème indien ; la fin l’est aussi ; nous ne saisissons que le milieu. » Cette loi, si simplement exprimée, est applicable à tout ce qui se produit dans le sein de l’humanité, aux religions comme à tout le reste. Si la première idée d’un dieu et le premier essai d’un rite remontent aux origines de l’homme, la science demande où sont ces origines. Le système de M. Darwin est combattu sur tous les points, il n’est pas réfuté. Si l’anthropologie ne reconnaît pas plusieurs espèces humaines, elle distingue des races, et elle s’accorde avec l’histoire et avec la philologie comparée pour les classer chronologiquement suivant leur perfection physique ou morale. Dans l’ancien continent, les blancs, qui comprennent, entre autres peuples, les Sémites et les Aryens, ont apparu les derniers, et forment les nations religieuses par excellence. Les jaunes étaient venus auparavant : ils avaient déjà