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mais rien de plus obscur encore et de moins pénétrable que la métaphysique sur laquelle il était fondé. Le naturalisme paraît en faire la base, ce qui le rapproche des doctrines grecques, latines et indiennes ; mais à quelle hauteur ce naturalisme s’était-il élevé ? à quelle théologie avait-il donné lieu ? C’est ce que le laconisme d’inscriptions : presque toujours officielles ne permettra peut-être jamais de savoir. Ajoutez que l’écriture hiéroglyphique, assez claire quand elle énonce des faits matériels, l’est beaucoup moins quand elle veut exprimer des idées abstraites. Si elle a paru suffire à des hommes qui en faisaient une étude continuelle et un usage journalier, elle n’est plus aussi intelligible pour nous, qui n’avons, pour en découvrir le sens, que les monumens mêmes où elle est employée. Enfin, quand les hiéroglyphes nous éclaireraient assez sur les dogmes et les cultes de l’ancienne Égypte, on ne pourrait croire, même alors, que l’on en possédât les commencemens, car l’usage d’une écriture sacrée ne remonte pas aux premiers temps de la race qui a peuplé l’Égypte et qui a dû y apporter avec elle ses idées et ses institutions antérieures ; or cet état primitif et totalement inconnu a duré peut-être pendant des siècles nombreux.

Les Sémites n’ont rien d’antérieur à la Bible. Les livres les plus anciens de la Bible sont ceux qui portent le nom de Moïse. Selon les chronologies, Moïse vivait au XVIIe siècle avant Jésus-Christ. Les faits qui ont suivi ce législateur et qui sont racontés dans les autres livres hébreux sont simples et ont généralement un caractère de réalité qui permet de les classer parmi les faits historiques. La foi des chrétiens, celle des Juifs et des mahométans attribuent la même valeur aux récits des livres mosaïques ; mais comme la foi diffère essentiellement de la science, ne repose pas sur les mêmes principes et ne suit pas la même méthode, les personnes qui font aujourd’hui la science des religions ne peuvent pas envisager les anciens récits du point de vue de la foi. Leur horizon embrasse toutes les religions ensemble. Le sol où elles se placent est nécessairement un terrain neutre, où non-seulement elles ne veulent pas attirer la lutte, mais où elles n’auraient pas même le droit de l’accepter. Il est donc hors de doute que les récits mosaïques ne peuvent pas à leurs yeux entrer dans le domaine de la science sous la forme où ils se présentent, et qu’ils ont besoin d’interprétation, Les hymnes du Rig-Vêda, dont l’antiquité peut bien égaler celle de la Genèse, ouvrent à la science des horizons tout différens. La cosmogonie de l’Avesta n’est pas non plus la même, et celle d’Hésiode diffère totalement des autres. Il peut y avoir des motifs tirés de la foi, mais il n’y a pas de raisons scientifiques d’adopter l’une plutôt que l’autre, et la science est disposée à les accueillir toutes également, à la condition qu’elles seront scientifiquement interprétées. Or