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IV


Urnes du bon vieux temps, obstinés détracteurs
De nos travaux obscurs et de nos âges ternes,
O vous qui des bons rois et des vieux serviteurs,
Des antiques vertus, antiques balivernes,
Bric-à-brac des anciens, assommez les modernes,
Comme vous seriez fous, si vous n’étiez menteurs !

V


Nobles ankylosés et bourgeois en délire,
Qui, marchant à rebours, vivez la tête en bas,
Poètes confians qui chantez sur la lyre
Ces hauts faits qu’avec soin vous vous gardez de lire,
Et vous, sots qui d’instinct leur emboîtez le pas,
Je vous plains, pauvres gens, et vous pardonne, hélas !

VI


Dieu le veut, souvenir, que ton prisme colore
Chaque objet qui s’éloigne et nous fuit tour à tour,
Que les larmes de mère et les baisers d’amour,
Alors qu’ils ne sont plus, nous soient plus doux encore ;
Dieu le veut ! Quel moment serait, dans un beau jour,
Plus beau que le couchant, s’il n’était pas d’aurore ?

VII


Autre temps, autre but, partant autres moyens.
Tartufes éplorés, apaisez vos alarmes.
Chaque âge eut, sachez-le, son mobile et ses armes.
C’est d’abord la vertu, — dans des temps très anciens,
Puis la foi, puis l’honneur, en qui l’on vit des charmes…
— Et maintenant, monsieur ? — C’est là que je vous tiens.

VIII


— Mais ce toujours plus tiède amour de la patrie ?
— D’accord, mais quels progrès a faits l’artillerie !
— Et cette universelle et navrante torpeur ?
— Mais l’électricité, mon cher ! n’ayez pas peur.
— Et ce luxe enragé ? — C’est vrai, mais la vapeur !
— Et la corruption ? — C’est vrai, mais l’industrie !