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PANGLOSS


I.


Je ne suis pas de ceux à qui les choses neuves
Font l’effet du fruit vert sur un nerf agacé,
Qui sur le temps présent pleurent comme des fleuves,
Et, fouillant les tombeaux pour y chercher des preuves,
Étaient de vieux débris leur temple crevassé :
C’est du vilain présent qu’est fait le beau passé.

II.


Le présent a du bon néanmoins, et je l’aime.
Est-ce par indolence ou curiosité ?
Mais pour ne le pas voir avec sévérité
J’ai cent bonnes raisons, toutes d’un poids extrême :
Être, — au moins je le crois, — vaut mieux qu’avoir été ;
J’ai cent bonnes raisons, et voici la centième.

III.


Je ne suis pas de ceux qui ne voient rien venir,
Dont éternellement l’âme étroite et malsaine
Rumine un vieux regret et vit d’un souvenir,
Et, s’il faut parler franc, j’échangerais sans peine
Tout notre fier passé contre un fier avenir,
Et dix siècles d’honneur contre huit jours de haine.