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faire connaître au public les opinions des savans. Je me bornerai à reproduire celle de l’un des secrétaires de l’Académie des Sciences, — la plus haute autorité derrière laquelle on puisse s’abriter, — parce que M. Flourens a résumé ses idées dans la forme nette et concise d’un verdict motivé : « Tant que mon opinion n’était pas formée, je n’avais rien à dire. — Aujourd’hui elle est formée, et je la dis. — Les expériences de M. Pasteur sont décisives. — Pour avoir des animalcules, que faut-il, si la génération spontanée est réelle ? De l’air et des liqueurs putrescibles. Or M. Pasteur met ensemble de l’air et des liqueurs putrescibles, et il ne se fait rien. — La génération spontanée n’est donc pas. Ce n’est pas comprendre la question que de douter encore. »

Le lecteur connaît maintenant les pièces importantes de ce grand procès, il n’a plus qu’à le juger. Quant à moi, il me reste une dernière tâche, c’est de montrer le rôle que jouent dans la nature ces êtres chétifs, si peu connus, nos ennemis redoutables ou nos ouvriers laborieux, nos bourreaux ou nos bienfaiteurs.

Tous les êtres, depuis le moment de leur naissance jusqu’à l’heure de leur mort, accomplissent sans interruption un travail chimique déterminé. C’est ainsi que les animaux prennent l’oxygène à l’air pour brûler une partie de leur substance, ou que les végétaux décomposent l’acide carbonique, dont ils gardent le charbon, en rendant l’oxygène à l’atmosphère. La même loi s’applique aux êtres microscopiques, avec cette différence que chaque espèce semble destinée à accomplir une action chimique qui lui est propre. Nous avons vu par exemple que la levure de bière transforme le sucre en alcool et en acide carbonique : elle ne peut vivre qu’à la condition de remplir cette mission ; elle meurt quand le sucre lui manque. Or le règne végétal ne produit jamais d’alcool ; mais il crée des masses considérables de sucre dans tous les fruits, dans les tiges, les racines et quelquefois dans les feuilles de quelques plantes. Après la mort du végétal, ces sucres, en dissolution dans l’eau, sont immédiatement envahis par la levure de bière, qui s’y développe naturellement, qui s’y multiplie et qui les transforme en liqueurs fermentées. C’est ainsi que se font le vin, le cidre, la bière et toutes les boissons fermentées qui s’imposent à l’homme de tous les temps et de tous les pays. À son tour, l’alcool mêlé d’eau devient le réceptacle de vibrions d’une espèce particulière qui s’étalent à la surface, où ils forment une membrane. Ceux-ci ont une propriété toute différente ; ils absorbent avec une grande énergie l’oxygène de l’air, le transportent sur la liqueur et brûlent partiellement l’alcool, qui se transforme en vinaigre, et enfin, si on laisse le vinaigre à l’air, il ne tarde pas à être habité par le mycoderme du vin, qui continue