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Chacun, s’engageant ainsi avec une certaine solennité, semblait s’être fermé toute issue. Ceci se passait au mois de janvier 1864. Cependant, quelque temps après, les hétérogénistes, qui sans doute avaient voulu préparer leurs armes, demandèrent que l’épreuve fût reculée jusqu’à l’époque des chaleurs. M. Pasteur, qui était prêt en tout temps et fort désireux d’en finir, consentit avec quelque regret, mais enfin consentit à ce délai, et ce fut seulement le 15 juin que la commission et les champions purent se réunir ; mais alors survint un malentendu sur lequel on n’avait pas compté, La commission, qui se rappelait l’origine du débat, voulait le restreindre à la seule expérience qui l’avait provoqué et qui devait le finir, puisque la contestation portait sur un fait. Les hétérogénistes ne l’admettaient pas ainsi, et entendaient répéter à cette occasion la longue série de leurs expériences. C’était vouloir reprendre l’éternelle discussion et rendre le jugement aussi long que l’avait été la dispute. La commission persistant, ils crurent pouvoir se retirer. Il est peut-être malheureux que la commission ait tenu à ce programme au point de laisser échapper cette occasion unique d’une solution qu’on attendait d’elle ; mais ce qui est bien certain, c’est que les hétérogénistes, de quelque façon qu’ils aient coloré leur retraite, se sont eux-mêmes condamnés. S’ils avaient été sûrs du fait, — qu’ils s’étaient solennellement engagés à prouver sous peine de s’avouer vaincus, — ils auraient tenu à le montrer, car c’était le triomphe de leur doctrine : on ne se laisse condamner par défaut que dans les causes dont on se défie.


III

Lorsque des discussions qui intéressent à un si haut degré la philosophie des sciences s’imposent à l’attention publique, il semble que ce soit un devoir pour les maîtres d’apporter dans la balance le poids de leur autorité. Aussi est-ce sans surprise, mais avec une sorte de reconnaissance, que l’on a vu M. Coste, le célèbre embryogéniste, revendiquer le droit de redresser des interprétations qu’il croit erronées. Dès les premiers mots, on a vu qu’il allait transporter la question sur un nouveau terrain, et la rajeunir en la tirant des expériences générales et des raisonnemens philosophiques pour la ramener à l’observation patiente de chaque espèce microscopique au moment où elle naît, se développe et se multiplie, sauf à généraliser ensuite les faits particuliers. M. Coste a donc pris un exemple ; il a choisi les kolpodes, animaux assez gros, faciles à observer et à suivre. On en trouve à coup sûr dans chaque goutte d’une macération de foin. Chacun peut les y observer, en étudier les allures et les mœurs avec un microscope acheté 5 fr. chez les opticiens de la rue