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s’il était démontré que des infusoires ne peuvent supporter de très grandes variations de température sans perdre la vie ; mais on va voir qu’il n’en est pas ainsi.

M. Chevreul a montré autrefois et rappelait dernièrement que le blanc d’œuf, chauffé à 100 degrés, se cuit aussitôt, et qu’alors il devient insoluble dans l’eau, mais que si au contraire on commence par sécher ce blanc d’œuf à froid et qu’on le chauffe ensuite à 100 degrés pendant une heure et demie, il ne se coagule point, ne se cuit pas, et peut, quand il est refroidi, se redissoudre et reprendre les propriétés qu’il avait à l’état frais. Or le blanc d’œuf, c’est de l’albumine, qui se rencontre dans le tissu des animaux et dans leurs œufs ; il est donc évident que, si on chauffe ces œufs jusqu’à 100 degrés pendant qu’ils sont humides, ils seront cuits avec l’albumine qu’ils contiennent et par conséquent rendus inféconds, tandis que, si on les sèche d’abord pour les chauffer ensuite, ils ne seront point coagulés, et on ne voit aucune raison pour que la fécondité en soit détruite. Des observations justifient pleinement ce raisonnement. Spallanzani a trouvé sur les toits, sous les tuiles, des animaux nommés rotifères qu’on peut chauffer à 100 degrés, s’ils sont secs, et qui ressuscitent quand on les replonge dans l’eau. M. Doyère a fait depuis les mêmes observations sur les tardigrades, et il est avéré que ces êtres peuvent supporter sans mourir la température de 100 degrés, pourvu qu’ils soient secs. Il n’est donc pas impossible que des spores de mucédinées ou des œufs de vibrioniens résistent à 150. C’est une question de tolérance spécifique. J’avouerai en outre que la difficulté me paraîtrait aussi grande pour l’hétérogénie que pour la panspermie. L’hétérogénie suppose en effet que la vie des substances organiques se transmet à des êtres microscopiques. J’aurais autant de répugnance à croire que la vie résiste à 200 degrés dans ces conditions que j’ai peine à admettre sa conservation à cette température dans des œufs ou dans des semences définies.

Mais les hétérogénistes vont plus loin ; ils disent à leur adversaire : Vous avez introduit sur une dissolution bouillie de l’air que vous aviez calciné, et vous avez supprimé les générations ; soit. En opérant ainsi, vous avez certainement brûlé les germes qui auraient pu se trouver dans l’air ; mais êtes-vous sûr de n’avoir pas détruit en même temps quelque qualité vivifiante de l’air, quelque principe inconnu qui serait la cause efficace des générations spontanées, une espèce d’air séminal non analysé et inanalysable ? Vous ne le savez pas, et il suffit que cette hypothèse soit possible pour que votre expérience ne soit pas une démonstration. En second lieu, vous semez de l’amiante avec les corpuscules atmosphériques, et vous dites : Ce sont ces corpuscules qui ont germé. Qu’en savez-vous ? Cette amiante n’a-t-elle pas en outre recueilli ce principe vital de l’air