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pas leurs organes générateurs, et si nous n’assistons pas à leur naissance, c’est que par leur petitesse et leur mobilité ils échappent à notre observation ; mais ils sont tellement féconds, et leurs germes tellement vivaces et nombreux, qu’ils se répandent et s’accumulent en tous les lieux de l’espace. Quand se réunissent en un endroit donné les circonstances qui conviennent au développement et à la nourriture de certaines espèces, leurs germes, qui ne font jamais défaut, sont là, prêts à pousser, à vivre, à fructifier. On a résumé cette seconde opinion par le mot de panspermie, qui exprime la diffusion de toutes les semences, en tout lieu et dans toute chose. La panspermie n’est pas moins raisonnable que l’hétérogénie. L’une et l’autre opinion respectent au même degré les principes religieux, parce qu’elles n’ont rien de commun avec eux, et les données de la philosophie, qui ne peut prétendre à découvrir la solution exacte de ce grand problème ; c’est devant un tribunal plus sûr, celui de l’expérience, que la question a été portée.

Il faut bien avouer que les deux théories ne s’y présentent pas avec les mêmes chances de succès. Cela tient à une différence caractéristique entre les méthodes qu’elles doivent adopter pour s’affirmer, différence que l’on va concevoir. L’hétérogénie consiste en une négation ; elle ne peut invoquer que des épreuves négatives. Il faut qu’elle prouve : premièrement qu’il n’y a point de germes, ni dans l’atmosphère, ni dans les liqueurs putrescibles, en second lieu qu’en tuant dans l’air et dans les matières organiques les germes qu’on pourrait y supposer, on ne détruit pas la fécondité spontanée des solutions putrescibles. Or il suffirait qu’un expérimentateur fût maladroit pour ne réussir ni à trouver ni à tuer les germes, s’il y en a, et pour qu’il se crût en droit de conclure qu’il n’y en a pas. Cela étant, les panspermistes auront toujours la ressource de dire à leurs adversaires : Vous ne savez ni découvrir ni tuer les germes, parce que vous n’êtes point assez habiles. Et les hétérogénistes, qui sembleraient avoir tort, même s’ils avaient raison, sont réduits à des argumentations, terrain peu solide, et à des négations, rôle ingrat que réprouve la prudence, mais qui n’a pas effrayé cependant des hommes éminens et profondément convaincus. Parmi eux, nous voyons en France, au premier rang par l’âge, par la réputation, comme par le talent, M. Pouchet, membre correspondant de l’Institut, directeur du Muséum de Rouen, auteur de travaux remarquables, remarqués et nombreux sur la micrographie. À côté de lui se tiennent MM. Joly et Musset, professeurs à la faculté de Toulouse. On se rappelle que M. Joly est venu cette année même exposer à Paris, dans une éloquente leçon, devant un auditoire charmé, la doctrine de l’hétérogénie. Accueilli tout d’abord avec une curiosité sympathique, il eut ensuite le bonheur d’ébranler quelques convictions