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du gouvernement auxquels ces regrets ont été manifestés n’ont pas hésité à reconnaître cette nouvelle inobservation des règles établies par le décret du 31 mai 1862, s’excusant seulement sur la force des choses et sur les nécessités d’une expédition lointaine, comme celle du Mexique. Enfin les deux derniers rapporteurs du budget, M. Busson pour 1864, M. O’Quin pour 1865, malgré leur optimisme sur certains points, ne sont pas moins explicites pour demander l’équilibre du budget et la modération des dépenses. « Il importe, dit M. Busson[1], de modérer, de contenir les dépenses moins immédiatement productives, de leur accorder sans doute tout ce qui est nécessaire, autrement ce serait compromettre la vie et le mouvement du pays lui-même, mais de ne pas aller au-delà, en un mot de réaliser le principe d’économie que l’empereur inscrivait si nettement en tête de la réforme de notre système financier. » Quant à M. O’Quin, rapporteur du budget de 1865, il rappelle aussi les vœux exprimés par diverses commissions en faveur des économies, l’inconvénient des crédits extraordinaires, et il ajoute : « Les finances d’un pays sont d’autant mieux conduites que son budget, établi sur une appréciation plus exacte de ses besoins, subit moins de perturbations sous l’influence des circonstances exceptionnelles. »

Peut-être le budget de 1865 sera-t-il plus heureux que les précédens et subira-t-il moins de ces perturbations ; mais jusqu’à ce moment, et même depuis le sénatus-consulte de la fin de 1861, les perturbations ont été telles, il y a toujours eu une si grande différence entre les prévisions et la réalité, qu’aucun budget ou presque aucun n’est parvenu à se maintenir en équilibre. « L’équilibre du budget, a dit M. Dupin, voilà ce qu’on recherche, ce qu’on nous promet toujours, et ce que l’on n’atteint jamais ; tous les budgets sont présentés et votés avec un excédant de recettes, et tous se soldent en déficit. » Ainsi ce ne sont ni les vœux, ni les avertissemens, ni même les tentatives de réforme financière qui ont manqué ; le pays a manifesté par tous ses organes réguliers qu’il voulait des économies, qu’il en sentait le besoin le plus urgent, qu’il était du devoir du gouvernement d’en réaliser, et cependant vœux et avertissemens, tentatives de réforme, tout a échoué ; les dépenses ont continué d’augmenter d’année en année, comme si rien n’avait été dit, comme si rien n’avait été fait pour l’empêcher.

Pourquoi ce qui a réussi en Angleterre n’a-t-il pas réussi chez nous ? Voilà une question qu’on est amené tout naturellement à se poser, et on ne peut y répondre qu’en déclarant qu’il y a chez nous un obstacle qui domine tout, et cet obstacle, c’est la politique.

  1. Rapport de la commission du budget de 1864, page 5.