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et la révision des Évangiles. Les originaux de ces livres, écrits en grec, avaient donné lieu à plusieurs traductions latines dont on se servait en Occident, traductions souvent fautives et qui présentaient entre elles de telles différences que, suivant le mot de Jérôme, on y pouvait compter presque autant de versions que d’exemplaires. Les Évangiles y avaient été fréquemment intervertis et confondus, dans l’intention probable de les développer ou de les compléter les uns par les autres, de façon que chaque église, chaque fidèle même avait pour ainsi dire son évangile à lui. Un tel désordre, si grave en matière de foi, avait inspiré à Damase l’idée d’une nouvelle traduction soigneusement élaborée sur les meilleurs textes grecs et présentée à l’adoption de toutes les églises de langue latine ; mais qui charger en Occident d’un pareil travail ? L’arrivée de Jérôme lui offrait cette occasion inespérée. Familier avec les textes usités en Orient, l’ancien disciple de Grégoire de Nazianze révisa les traductions vulgaires sur l’original des quatre évangélistes, remit chaque partie à sa place, corrigea les non-sens ou les fautes, laissant le reste comme il était, et adressa le tout au pape Damase, avec l’addition de six canons ou tables de concordance qu’il tira d’Ammonius d’Alexandrie et d’Eusèbe de Césarée. Ce ne fut pas, à proprement parler, une œuvre d’érudition spéculative, mais un travail pratique fait pour l’utilité de l’église, où la pureté du texte sacré était rétablie, sans que des habitudes séculaires fussent choquées ou trop brusquement rompues dans les choses indifférentes. De cette recension achevée en 388 est sortie la version actuelle qui porte dans l’église latine le nom de Vulgate.

Les contemporains ne l’acceptèrent pas sans critique d’un côté, sans une vive défense de l’autre. La critique reprochait à l’auteur (et l’inspirateur partageait avec lui ce blâme) de mépriser l’autorité des anciens, de rejeter, ce que tout le monde avait admis, d’oser enfin corriger jusqu’aux paroles de Jésus-Christ telles qu’elles avaient passé traditionnellement dans la vénération des fidèles depuis l’origine du christianisme. Ces objections, que peut soulever toute innovation, n’arrêtèrent pas les gens sensés. Ils applaudirent à l’idée de Damase et acceptèrent le travail de Jérôme. Augustin, dans un bon mouvement d’impartiale justice, en rendait grâce à Dieu. « L’ouvrage est bon, écrivait-il, on reconnaît que le grec y est suivi pas à pas. S’il s’est glissé quelques fautes çà et là, il est vraiment déraisonnable de ne les pas pardonner, vu l’utilité de l’entreprise et le mérite incomparable de l’exécution. »

Après le Nouveau Testament, Damase voulut avoir de la même main le psautier de David, d’un usage si fréquent dans l’église. La traduction dont on se servait en Occident avait été faite sur le texte