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avec ses accusateurs, et de l’absoudre formellement ou de le condamner. Convaincus de son innocence et craignant même d’attenter à sa dignité en admettant l’accusation, les pères lui refusèrent la satisfaction qu’il désirait. En 380, Damase revint à la charge devant le concile d’Aquilée, et en 381 devant une troisième assemblée, qu’on appelait le concile d’Italie. Cédant enfin aux instances d’un prêtre accusé qui voulait, avant de mourir, être justifié à la face de l’église et du monde, les pères du concile d’Italie nommèrent une commission d’évêques pour entendre les accusateurs et les forcer de produire leurs preuves. Par suite du rapport de cette commission, l’assemblée dégrada solennellement les diacres Concors et Callistus, qui avaient soutenu l’accusation ; elle demanda à l’empereur qu’ils fussent punis des peines portées par la loi contre la calomnie, qu’Isaac et Paschasius reçussent le châtiment dû au faux témoignage, et qu’Ursinus enfin fût condamné à un exil perpétuel. Gratien (c’était lui qui gouvernait alors) obtempéra sur tous les points aux demandes du concile, qui déposa en outre ou suspendit les évêques italiens qui avaient trempé dans le schisme.

Telle était la lamentable histoire du pontificat de Damase. Jérôme avait assisté aux troubles de son avènement, lorsqu’il étudiait à Rome en 366 : il retrouvait maintenant ce même pape, qui l’avait baptisé, accablé de chagrins plus encore que d’années, et obtenant à peine une tardive justice après seize ans de persécution. Ce spectacle dut le toucher profondément. Trop de sympathie secrète existait entre la victime des vices du clergé romain ou du moins d’une partie de ce clergé et celui qui voulait en être le réformateur, pour qu’il ne résultât pas de leur rapprochement une affection sincère. Jérôme en effet aima Damase de l’amour respectueux d’un fils : il le vénérait, et nous affirme que jamais homme n’avait eu une vie plus pure et plus sainte. Déjà Damase avait tenté pour son compte, et en s’appuyant sur le pouvoir civil, cette même réforme de l’église qu’il allait entreprendre avec Jérôme, en s’appuyant sur le pouvoir de la persuasion. En 370, il avait provoqué de l’empereur Valentinien Ier la loi célèbre dont j’ai parlé au commencement de ces récits, qui excluait les ecclésiastiques et les moines du droit de rien recevoir des femmes et des vieillards à titre de donation ou legs, loi que l’empereur lui adresse à lui-même, contre l’usage, en l’invitant à la faire lire dans toutes les églises de, Rome. Ce sage rescrit, qu’un second vint compléter en 372, avait pour but de réprimer l’amour effréné de l’argent, vraie source des désordres de cette église ; mais on l’éludait impunément au moyen de fictions devant lesquelles la justice humaine était forcée de s’arrêter. Il fallait donc que la répression des actes eût lieu par la réforme des