Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 54.djvu/257

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le plus capables d’indiquer la nouvelle route qui s’ouvre à l’Italie. Nous l’avons dit, et il faudra longtemps encore le répéter, le grand avantage de la convention est de donner une direction nette et pratique à la politique intérieure de l’Italie. Ce n’était pas avec la déclaration parlementaire qui proclamait Rome capitale, en ajoutant que la question romaine ne devrait être résolue que par les moyens moraux et avec le concours de la France, que la politique intérieure de l’Italie pouvait avoir de la consistance, de la solidité et de la force. Cette déclaration emphatique, qui n’était suivie d’aucun effet, pesait au contraire sur le pays comme une démonstration d’impuissance. Rome capitale était une devise qui accusait le gouvernement et le parti modéré d’inertie et qui ne prêtait une certaine force qu’au parti d’action. Rome capitale armait Garibaldi à Aspromonte, et contraignait le gouvernement italien à exercer des répressions douloureuses. L’emploi « des moyens moraux » était impossible tant que les Français demeuraient à Rome : aucune idée de transaction et de conciliation ne pouvait s’échanger entre l’Italie et la cour de Rome à travers une ceinture de baïonnettes étrangères. Le projet de concert avec la France était devenu lettre morte depuis la fin de M. de Cavour. L’Italie était condamnée à une immobilité ruineuse. Les choses sont aujourd’hui complètement changées. L’accord avec la France est enfin accompli, et commence à produire des œuvres vives. La France conclut avec l’Italie un pacte qui équivaut à la garantie implicite de l’unité italienne. La France prend date pour quitter Rome. La voie est ouverte aux moyens moraux par lesquels peut se résoudre le conflit de l’Italie et de la papauté. La politique intérieure de l’Italie aura désormais l’un de ces deux alimens : ou elle pourra travailler à se réconcilier avec la papauté, ou bien, si l’opiniâtreté de la cour de Rome est invincible, l’Italie recueillera avec certitude le bénéfice des fautes de cette cour. Dans tous les cas, la position de Rome est changée au sein de l’Italie ; elle va cesser d’y représenter cette offense, cette menace au sentiment de l’indépendance nationale qui s’appelle l’intervention étrangère. Enfin l’union intime de la France et de l’Italie, fondée sur de nouveaux gages, protège l’Italie contre la ruine financière. Du même coup elle permet à l’Italie de réaliser des économies considérables, d’arriver à l’équilibre financier et de relever son crédit. Comment devant de telles perspectives aucun des hommes politiques de l’Italie, aucun de ceux qui ont marqué dans l’œuvre de la libération nationale pourrait-il hésiter a donner à la convention une approbation sincère, entière, confiante et reconnaissante ?

C’est aller au plus pressé que d’apprécier la convention du 15 septembre au point de vue italien, puisque c’est au sein du parlement italien que la convention traverse en ce moment sa première épreuve. Nous ne sommes point de ceux qui méconnaissent la grandeur des intérêts français qui sont en jeu dans le nouvel ordre de relations créé désormais entre la France et la cour de Rome. Nous ne sommes surtout point de ceux qui verraient sans regret que ces grands intérêts fussent dérobés chez nous à l’épreuve d’une