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grands avantages pour les enfans, pour les familles et pour les départemens. Les sages idées exprimées dans le rapport de 1837 ont lentement, mais définitivement prévalu. Sous le long ministère de M. le comte Duchatel, le service des enfans trouvés reçut de nombreuses améliorations ; les soins furent plus généreusement donnés, la surveillance fut plus active. L’administration des hospices de la ville de Paris adopta même et fit sanctionner par le ministre en 1846 un règlement qui doit servir de modèle en cette matière. Il est vrai que ce règlement ne fut exécuté que six ans plus tard. Dans l’intervalle, une révolution avait eu lieu : le goût des discussions théoriques, des systèmes généraux, avait remplacé la poursuite des améliorations pratiques. C’est dans ces circonstances que M. Dufaure nomma une commission pour préparer un projet de loi sur le régime général applicable aux enfans trouvés. Cette commission se prononça pour la fermeture radicale des tours, dont, un an après, la commission chargée par l’assemblée constituante de 1848 de préparer la loi de l’assistance publique demanda au contraire le rétablissement. En 1853, un nouveau projet de loi fut soumis au corps législatif, puis retiré par le gouvernement. Trois ans plus tard, le sénat, sur la proposition de deux de ses membres, demanda le retour pur et simple au décret impérial de 1811. En définitive, pour éclairer cette question dans tous ses détails, le gouvernement ordonna dans les quatre-vingt-neuf départemens une enquête dont les résultats ont été consignés dans un excellent rapport où le conseil d’état pourra trouver tous les élémens d’un nouveau projet de loi. Depuis deux ans, la question est restée en suspens. Faut-il le regretter, et le service des enfans trouvés donne-t-il lieu à des abus tels qu’ils ne puissent être redressés que par une de ces mesures générales qu’on appelle une loi, que notre goût pour la réglementation impose si souvent aux pouvoirs publics, et que notre sens pratique abroge plus souvent encore ?

Il y a seize ans déjà, dans les discussions soulevées à ce sujet, on avait soutenu qu’en dehors des garanties générales exigées par les lois civiles et de police l’assistance des enfans trouvés est surtout une œuvre de bienfaisance particulière pour laquelle une grande latitude devrait être laissée aux pouvoirs locaux eux-mêmes. Le tour, cette création de l’esprit chrétien, qui, pour ne point pactiser avec la violation des devoirs du mariage et de la maternité, ignore le mal afin de ne pas reculer devant le devoir de secourir la misère, le tour avait produit de grands abus. Devait-on néanmoins le supprimer brusquement, en vertu d’une loi absolue, au risque de heurter des convictions respectables et de blesser le sentiment public dans ; les localités où les mœurs repoussent l’enfant naturel