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28 juin 1793 lui donna les plus larges applications. Non-seulement l’état, qui concédait à tous les pauvres un droit aux secours de la nation, prit à sa charge les enfans abandonnés, nommés tour à tour orphelins ou enfans naturels de la patrie, mais il inaugura le système d’indemnités aux filles-mères, qui commença par donner lieu à tant d’abus, et qui néanmoins, soixante ans plus tard, devait être appliqué de nouveau avec des avantages incontestables. Malheureusement il ne suffit pas de promulguer de généreuses mesures, il faut encore, pour les appliquer, des ressources qui manquaient au gouvernement de la république. Aussi de 1791 à 1799 le service des enfans trouvés passa, comme tout ce qui intéressait la bienfaisance publique, par les plus rudes épreuves. Chaque année, des lois sont votées pour accorder les subsides dus par l’état en échange des biens confisqués aux établissemens hospitaliers, mais chaque année aussi on dénonce la nécessité urgente de parer à l’arriéré, ce qui accuse l’impossibilité où l’on s’est trouvé d’assurer le service courant.

L’arrêté consulaire de 1801, les lois de 1802, de 1805, enfin le décret impérial de 1811, rendirent aux hospices une partie de leurs propriétés, créèrent des ressources spéciales pour les enfans trouvés, et inaugurèrent un système qui demeura en vigueur pendant de longues années. Aujourd’hui encore il subsiste nominalement, quoique par le fait l’administration l’ait à peu près transformé. L’article du décret de 1811 confie à la charité publique : 1° les enfans trouvés, 2° les enfans abandonnés, 3° les orphelins pauvres. C’est la première fois que les enfans se trouvent classés en trois catégories distinctes. Ils doivent être envoyés en nourrice aussitôt que possible ; ils reçoivent une layette et restent en sevrage jusqu’à l’âge de six ans. À six ans, on les met en pension chez un cultivateur ou chez des artisans. À douze ans, si l’état n’en a pas disposé, ils sont placés en apprentissage. L’hospice désigné pour recevoir les enfans trouvés reprend ceux qui ne peuvent se placer ou se maintenir en nourrice, en pension ou en apprentissage. Il y a au plus dans chaque arrondissement un hospice où les enfans trouvés peuvent être admis, et cette admission se fait au moyen d’un tour. Quant à la répartition de la dépense, l’hospice fournira les layettes du premier âge, et soldera les dépenses intérieures relatives à la nourriture et à l’éducation des enfans qui y resteront. Les mois de nourrice et de pension hors de l’hospice seront acquittés par l’état d’abord jusqu’à concurrence d’une somme de à millions, par les hospices ensuite sur leurs revenus, enfin par les communes[1].

  1. Dans la pensée de l’empereur Napoléon, comme dans celle de Louis XIV, alors qu’il dotait l’hospice de Paris, ces fils adoptifs de l’état devaient se vouer à sa défense : l’armée et la marine y recruteraient de nombreux volontaires ; mais à toutes les époques, la statistique a montré que la grande majorité des enfans trouvés étaient impropres au service militaire.