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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 décembre 1864.

Il y aura toujours des esprits qui essaieront de lire dans l’avenir, de vaillantes et béates natures qui voudront renouveler le miracle de la vision de Jacob :

Ce vieux Jacob, ô sublime mystère !
Devers l’Euphrate une nuit aperçut…


Cherchez la suite dans Voltaire. Ces enthousiastes ne sont pas toujours dignes de raillerie ; il y a du bon dans les prophètes, et l’on sait ce qu’il en a coûté aux fils d’Israël de les avoir persécutés. On trouve souvent d’utiles avertissemens dans leurs prédictions ; parfois leurs intuitions chimériques sur l’avenir font avec le présent des contrastes non moins instructifs que divertissans. Pour tout couronner, il est des choses qu’eux seuls peuvent dire. N’est-il point heureux par exemple que dans le mois où le procès des treize a été jugé en appel, et où a été prononcé le grand discours de M. Haussmann, qui retire aux Parisiens l’espoir de posséder jamais des droits municipaux, M. Charles Duveyrier, cet aimable et infatigable chercheur du meilleur des mondes possibles, ait publié en un curieux volume ses réflexions sur l’Avenir et les Bonaparte ?

M. Charles Duveyrier appartient à une école qui ne peut inspirer aucun ombrage à ces fiers et impérieux gouvernemens qui ont la prétention d’être des pouvoirs forts. Cette école s’inquiète médiocrement des formes et des garanties politiques ; elle prend volontiers son point de départ dans un fait quelconque, pourvu que ce soit un fait existant ; elle a surtout en vue les améliorations sociales, et, avec son penchant pour l’autorité, elle semble avoir toujours attendu avec plus de confiance ces améliorations de la puissante initiative d’un seul que du mouvement naturel, mais trop lent au gré de son impatience, des volontés particulières. Les membres de l’école saint-simonienne font donc volontiers la cour au pouvoir. Si d’un