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exclut pour ainsi dire tout symbolisme et tout ce qui peut revêtir les formes ou les attributs de l’humanité. La même obscurité régnait sur les anciennes religions de l’Europe, et ne se fût jamais dissipée, si la connaissance du Vêda et la philologie comparée, à laquelle elle a donné une base, n’étaient venues y répandre la lumière ; mais à partir du jour où les hymnes du Vêda ont été connus, la science a vu se dérouler devant elle une suite de tableaux dont nous allons indiquer les principaux traits.

Il y a peu d’années encore, la mythologie était considérée comme un ensemble de fables, c’est-à-dire de jeux d’esprit et de créations poétiques dont les anciens avaient égayé leurs ouvrages et embelli leurs édifices et leurs jardins. Tout le monde se rappelle le jugement de Boileau sur

……… Tous ces dieux éclos du cerveau des poètes,


et le parti qu’il conseillait aux rimeurs et aux artistes d’en tirer. Envisagés comme des conceptions sacrées, on les appelait des faux dieux, et la religion des peuples qui les adoraient était le paganisme ou l’idolâtrie. Au temps où le christianisme, dans l’enthousiasme de sa nouveauté, luttait encore contre le génie de l’antiquité, les iconoclastes, une secte animée de l’esprit exclusif des Sémites, portèrent le même jugement sur leurs rivaux, et commencèrent à briser les images ; mais, le génie aryen prenant le dessus, on eut des images et des symboles une opinion moins sévère. Chez les modernes, les dieux du paganisme rentrèrent dans l’art, où ils sont encore. Seulement leur caractère religieux disparut entièrement, et ils ne furent plus considérés que comme de poétiques allégories.

La science contemporaine est revenue à son tour sur cette appréciation. On a vu dans l’Orient de grandes nations de la même race que nous adorer encore des dieux tels que ceux de la Grèce et de Rome. On a vu dans une des religions qui comptent le plus de sectateurs et qui par plusieurs côtés ressemble à celle du Christ, dans le bouddhisme, ces mêmes divinités réunies en un véritable panthéon, sans que les hommes de ce culte puissent être taxés d’idolâtrie. Enfin, remontant de siècle en siècle, les savans ont pu découvrir l’origine même de ces figures sacrées, dont le symbolisme primitif éclate aujourd’hui dans tout son jour. C’est la grande voie de l’esprit aryen qui se dévoilait ainsi par degrés avec ses subdivisions. Dans sa marche spontanée et libre, il s’est manifesté sous trois formes successives : la dernière est le bouddhisme ; la forme intermédiaire est le brahmanisme avec le mazdéisme ou religion des anciens Perses ; la forme la plus ancienne comprend la religion du Vêda et les mythologies des Grecs, des Latins et des peuples du Nord. L’histoire des révolutions religieuses nous montre les mythologies