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complète de ses voisins; elle est en instance pour l’obtenir du gouvernement britannique.

Entre la province de Victoria et celle de l’Australie méridionale, un territoire très étendu réclame aussi son autonomie, et voudrait se constituer en colonie indépendante, avec Portland pour chef-lieu. Il fait valoir à l’appui de ses prétentions qu’on ne lui rend en dépenses locales que 5 millions de francs sur les 8 millions et demi qu’il fournit au budget de la colonie. En un mot, il se manifeste aux extrémités de chaque province une tendance générale vers la sécession et la décentralisation. La législature de la Victoria a donné une satisfaction partielle à ces idées en laissant à la disposition de chaque comté une portion des taxes qui y sont perçues. Chaque district peut ainsi exercer une plus large influence sur ses propres affaires et décider par lui-même de l’exécution des travaux publics qui l’intéressent le plus vivement. Le morcellement de l’Australie en un grand nombre de provinces distinctes n’en est pas moins certain; le gouvernement impérial considère même cette perspective d’un œil favorable. Il paraît démontré que la sécession fortifie plutôt qu’elle n’affaiblit l’attachement que les Australiens portent à la métropole. Chaque nouvelle province qui se détache de la colonie-mère se fait un honneur d’être l’un des fleurons de la couronne britannique. L’opposition des colons aux autorités locales ne remonte jamais jusqu’aux ministres de la reine, qui exercent une tutelle lointaine et paternelle sur l’ensemble de toutes les possessions australes.

On ne peut contester que l’attachement des Australiens aux institutions anglaises, leur loyalty (c’est le mot consacré), ne se manifeste à tout propos. Dans le langage des colons, l’Angleterre est toujours le home la patrie, même pour ceux, déjà nombreux, qui sont nés aux antipodes et y ont passé leur vie. On pourrait citer bien des preuves de ces sentimens d’affection que les établissemens lointains conservent pour la métropole. Pendant la guerre de Crimée, les ministres de la Nouvelle-Galles du Sud obtinrent l’approbation du parlement en lui proposant de déclarer qu’au cas où la guerre continuerait, ce serait un devoir pour la colonie de fournir un subside à l’Angleterre. L’Australie a souscrit des sommes importantes pour la guerre de l’Inde, pour le soulagement des ouvriers du Lancashire. Ces sentimens de gratitude sont entretenus avec soin par les hommes d’état de la Grande-Bretagne, qui évitent de froisser les susceptibilités de leurs compatriotes d’outre-mer, et s’abstiennent de faire acte d’influence dans les affaires locales autrement qu’en ce qui concerne les prérogatives légitimes de la couronne.