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lons primitifs. L’accroissement annuel suit un cours plus régulier : par suite, la colonie jouit de plus de calme; la main-d’œuvre, les denrées de consommation ne subissent plus les oscillations de prix qui amenèrent des fortunes et des ruines subites. La disproportion entre les deux sexes tend aussi à disparaître. Le petit nombre des femmes émigrées fut l’une des causes principales des graves désordres qui éclatèrent à diverses époques, et le gouverneur de la Victoria, sir C. Hotham, disait un peu cyniquement, mais avec beaucoup de raison, à propos des troubles de Ballarat en 1854, que c’était un régiment de femmes et non un régiment de soldats qu’il fallait envoyer aux perturbateurs de la paix publique. Les femmes arrivent maintenant encore en moins grand nombre que les hommes malgré le dévouement que deux dignes et charitables personnes, mistress Chisholm et miss Rye, ont prodigué aux émigrantes. On observe aussi que la proportion des naissances mâles aux naissances femelles est plus élevées qu’en Europe, fait bizarre et inexpliqué qui se rattache à quelque mystérieuse loi de l’embryogénie. Néanmoins, comme ce sont surtout des hommes qui se rendent maintenant de l’Australie dans la Nouvelle-Zélande, l’équilibre entre les deux sexes tend à se rétablir, et la disproportion n’est plus choquante. Sur 100 habitans, on compte à peu près 57 hommes et 43 femmes : la différence est encore trop considérable, surtout en un pays qui n’a pas de grandes armées permanentes.

Au point de vue sanitaire, on ne saurait tirer des conclusions certaines des rapports qui existent entre le nombre des habitans, celui des naissances et celui des décès, car les calculs de vie moyenne ne sont exacts qu’autant qu’ils s’appliquent à un grand nombre d’êtres qui ont vécu dans des circonstances identiques. En ce moment, on compterait une naissance par an pour 24 et un décès pour 58 habitans, tandis qu’en France on compte, année moyenne, une naissance pour 35 et un décès pour 41 habitans. Le climat de l’Australie paraîtrait donc au premier abord particulièrement sain; les colonies lointaines ont en général sous ce rapport une si mauvaise réputation qu’il n’est pas inutile d’insister sur ce point : peut-être les influences sanitaires ont-elles eu une large part dans la prospérité des établissemens de l’Océan austral.

On ne peut jeter les yeux sur une mappemonde sans être frappé de la différence que présentent les deux hémisphères au point de vue de la distribution des terres et des mers : l’un, le boréal, plus terrestre que maritime; l’autre, l’austral, presque exclusivement maritime, sauf un grand continent et quelques milliers d’îles disséminées sur sa surface. Les vents et les courans marins font le tour de l’hémisphère austral sans être arrêtés nulle part. Or l’on sait