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produits des contrées lointaines. Des nymphes de mer accourent de tous les points du monde chargées de richesses, et des marins répandent sur les rivages de l’Angleterre ces fruits du commerce. Des enfans secouent des torches, représentant les lumières des phares qui entourent les côtes des îles britanniques, et qui dirigent pendant la nuit les mouvemens des navires. Les murs de cette salle sont décorés de portraits en pied de George III et de Guillaume IV avec leurs femmes, car la royauté elle-même n’est point étrangère aux annales de Trinity House, et les souverains s’honorent de figurer sous les insignes de la confrérie dont ils ont été les membres et les patrons. Le portrait du duc de Wellington par Lucas passe pour le meilleur qui existe du vainqueur de Waterloo. Les bustes de la reine Victoria et du prince Albert, taillés dans le marbre blanc par Noble, un des rares statuaires vivans qui soient arrivés à la célébrité en Angleterre, reposent solennellement aux deux coins de la cheminée. Vingt fauteuils rangés autour d’une vaste table échancrée en demi-lune et recouverte d’un tapis vert marquent la place des membres du conseil durant les séances. Les associés de Trinity House ont pensé, avec Ben Jonson que les bons repas entretiennent la fraternité. Leur salle à manger (dining room), éclairée par une sorte de lanterne ronde qui surmonte le plafond, étale ce qu’on aimerait à appeler un luxe tranquille et substantiel. On y remarque le buste de Pitt par Chantrey, les portraits du comte de Sandwich, du duc de Bedford, de sir Francis Drake, et surtout celui de Kenelm Digby par Van-Dyck. Là eut lieu tout dernièrement un grand banquet en l’honneur du prince de Galles. De distance en distance, d’excellens modèles de phares en relief, et conservés sous verre, rappellent au visiteur le but sérieux de cette société, fondée par Henri VIII.

L’histoire de Trinity House n’est guère connue des Anglais eux-mêmes ; une partie de ses anciennes archives a été dévorée par le feu en 1714, et peut-être, comme toutes les vieilles corporations, tenait-elle assez peu à communiquer aux profanes le mystère de ses annales[1]. Tout ce qu’on sait, c’est qu’elle existe en vertu d’une charte de Henri VIII, datée de Canterbury le 20 mars 1512, et non, comme on l’avait cru jusqu’à présent, de Westminster le 20 mai 1514. L’original même de cet acte est perdu ; mais arriverait-on à le retrouver qu’un tel document, dont on possède d’ailleurs une copie authentique, ne jetterait aucune lumière sur l’âge réel de la société. La date de l’acte d’incorporation donne-t-elle bien la date de la

  1. C’est à l’extrême obligeance du secrétaire de la société, M. Berthon, que je dois des renseignemens négligés jusqu’ici.