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ric VII était d’avoir donné les mêmes institutions à tous ses états, et tâché de comprendre les duchés dans la même unité constitutionnelle. Dès 1815, la noblesse du Holstein, qui a des terres en Slesvig, avait demandé l’union des deux duchés, mis à part sous une même constitution locale. À cette époque, la doctrine de leur indivisibilité n’était pas inventée. Le roi opposa l’incorporation de 1721. La prétention qu’il repoussait fut portée devant la diète germanique, qui la rejeta en 1823, et le ministre de Prusse alors la condamna formellement; mais à mesure que les institutions danoises sont devenues plus libérales, la Prusse a changé d’avis. Les professeurs d’histoire se sont mis à l’œuvre; l’université de Kiel a découvert l’identité politique des deux duchés. L’unité germanique s’est, on le sait, comme agrandie, et la Vaterland, la grande patrie teutonique, a voulu compter un état féodal de plus, composé du Holstein, du Slesvig et du Lauenbourg. Au fond, c’était le but de la guerre civile de 1848, c’était le but de la guerre internationale de 1864.

Les démocrates allemands, plus amoureux d’unité encore que de liberté, ce qui arrive quelquefois aux démocrates, sont venus en aide aux ambitions territoriales ou contre-révolutionnaires de certaines grandes puissances, et celles-ci, dans un intérêt de pouvoir, d’agrandissement ou de popularité, ont pu faire campagne en se couvrant d’un prétexte et en flattant une passion empruntés l’un et l’autre à la démocratie. Quelle bonne fortune pour la Prusse par exemple, pour sa politique hégélienne, que d’associer ainsi les contraires, la tendance à l’absolutisme au dedans et à la révolution au dehors! Quoi de plus hégélien en effet! C’est bien l’unité des contradictoires réalisée dans le pour soi, comme dit la formule.

On semble avoir pris l’occasion du changement de dynastie; mais ce changement n’avait aucun trait à la question. Il était au contraire l’accomplissement d’une prévision commune aux principaux cabinets de l’Allemagne. Il y avait longtemps en effet qu’on avait prévu l’extinction de la ligne directe. Si, comme on le dit, la loi salique régnait dans les duchés, elle ne régnait pas en Danemark : une tante du roi, princesse de Hesse, était son héritière; mais plutôt que de laisser par son avènement affaiblir et démembrer une importante monarchie, les cabinets de l’Europe aimèrent mieux accepter sa renonciation, et le traité du 8 mai 1852 appela au trône son petit-fils, frère du prince de Sonderbourg-Glucksbourg, représentant en même temps par son origine paternelle d’une des branches collatérales et successibles de la maison d’Oldenbourg. Cette branche n’était pas la première en ligne; mais celle qui l’était avait pour chef ce duc d’Augustenbourg que sa participation à l’insurrection de 1848 excluait du concours, et qui le reconnut en accep-