Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/906

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

volonté danois ou allemand, n’avaient pas tous les droits du parlement d’Angleterre, mais elles possédaient des pouvoirs réels, surtout en matière de finances. La liberté de fait était établie. Tout cela était l’ouvrage du roi Frédéric VII.

C’est tout cela que l’Allemagne a appelé de l’oppression. C’est contre un régime qui mettait la minorité allemande, sur le même pied que la majorité danoise que la première a élevé des plaintes également écoutées de la monarchie prussienne et de la démocratie germanique. C’est contre une tyrannie qui forçait les représentans du Holstein, du Slesvig et du Lauenbourg de se réunir à Copenhague dans la même assemblée, en nombre égal, avec les députés du Jutland et de l’archipel baltique, que des sujets de race allemande, profitant du tempérament insurrectionnel de l’année 1848, prirent les armes, soutenus par la Prusse, encouragés par la diète de Francfort, et le duc d’Augustenbourg se jeta dans leurs rangs. Il y eut gouvernement provisoire et guerre civile : il fallut combattre trois ans, mais les Danois furent vainqueurs.

Quel était le grief? Le Danemark était danois, scandinave ou cimbrique, comme on dit aujourd’hui. On lui reprochait de n’être pas gouverné par des Allemands. Il est parfaitement vrai que sur deux millions et demi de sujets, quinze cent mille seulement sont sur le sol purement danois. Les duchés sont la plus riche partie du royaume et séparés de l’île de Seeland par un canal comme l’Angleterre l’est de l’Irlande. Le Slesvig touche au Holstein, qui n’est distingué du territoire de Hambourg que par une frontière idéale, et dont cette grande cité est la vraie capitale commerciale. Le Holstein est essentiellement germanique par sa population, c’est pour cela qu’il compte avec le Lauenbourg dans la confédération. En fallait-il conclure qu’il devait être arraché au Danemark? Pas plus que le duché du Luxembourg ne doit l’être au roi de Hollande. On ne l’a point pensé depuis trois ou quatre cents ans, on ne l’a point pensé en 1815, et ce n’est pas apparemment parce que la couronne danoise a passé d’une famille allemande à une branche plus allemande encore de la maison d’Oldenbourg qu’elle aurait dû perdre un de ses fleurons séculaires.

Que dire alors du Slesvig? Ici la présence d’un élément germanique, ici la prétention de l’Allemagne n’a été reconnue, légalisée par aucun texte du droit public. De fait, l’influence allemande a pu s’accroître depuis longtemps, au moins dans les cantons méridionaux. On estimait que sur une population de 400,000 âmes, 145 parlaient allemand, 135 danois, et le reste indifféremment les deux langues ou le dialecte de la Frise. La grande propriété appartient surtout à des mains allemandes; aussi l’esprit féodal y résiste-t-il plus fortement à l’esprit libéral, et le grand crime du roi Frédé-