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nous sommes redevable de la victoire signalée que nous avons remportée l’année dernière à Fontenoy, des conquêtes des principales villes de la Flandre autrichienne, de la soumission à notre obéissance de cette province entière, d’une partie du Brabant et en dernier lieu de la ville de Bruxelles. Tant de grandes actions et une suite si constante de glorieux services nous engagent non-seulement à les reconnaître, mais encore à prévenir le vœu qu’a formé notre dit cousin, le maréchal de Saxe, de consacrer sa vie à notre service et de finir ses jours dans notre royaume, en lui permettant de jouir de tous les avantages dont jouissent nos sujets et régnicoles… »


Il est impossible, en lisant ces paroles, de n’y pas voir l’écho des luttes qui s’agitaient dans l’ombre autour du roi, et qui ne tarderont pas à éclater si haut. Que Maurice fût jaloux de ses droits jusqu’à montrer en mainte occasion une âpreté singulière, rien de plus certain ; rendons-lui du moins cette justice qu’il ne fut jamais arrogant qu’avec les généraux de cour. Dès les débuts de la nouvelle campagne, nous le voyons aux prises avec deux princes du sang. L’un d’entre eux, le comte de Clermont, commandait sous ses ordres une des grandes divisions de l’armée de Flandre ; l’autre, le prince de Conti, était le général en chef de l’armée du Rhin. Un soir, à souper, le comte de Clermont s’étant permis quelques propos joyeux sur les galanteries du vainqueur de Bruxelles, ses paroles, répétées et envenimées, arrivèrent aux oreilles du maréchal. Maurice, trop peu sensible sur ce point aux reproches de l’opinion, devenait chatouilleux à l’excès dès que les princes étaient en jeu. Il entre en fureur : « Le comte de Clermont, parce qu’il est prince du sang, croit-il donc qu’il se moquera impunément de son général ? » Dès le lendemain, il le réduit à la simple condition de chef de brigade : ce corps d’armée, dont le prince était fier, se trouve démembré peu à peu ; plus de canons, plus d’officiers d’artillerie, plus de masses de cavalerie à faire manœuvrer ; c’est à peine s’il lui laisse une brigade d’infanterie et un régiment de dragons. L’armée elle-même trouvait la punition trop duré et souffrait pour le petit-fils de Louis XIV. Poussé à bout, le comte de Clermont voulait faire un éclat, quitter l’armée, et, rendant injure pour injure, dire au maréchal « qu’il était trop humiliant pour un prince du sang de France d’obéir à un bâtard étranger. » Un spirituel officier, qui avait été aide de camp du maréchal de Saxe et qui se trouvait alors auprès du comte de Clermont en qualité de major-général, le marquis de Valfons, réussit à le détourner de ce projet. Valfons, qui connaissait le maréchal, savait combien il était prompt à revenir, tout en grondant, dès la première explication. Il décida le prince, non sans peine, à demander un entretien au comte de Saxe. Le lendemain, la lettre écrite devant le négociateur et telle qu’il la désirait, le