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une vérité saisissante, dans un discours qu’il a prononcé à Auburn, que le moyen le plus sûr d’arriver à la paix et au rétablissement de l’Union était de triompher par un dernier effort de la résistance suprême du sud. La paix demandée au sud par un président démocrate serait pour le sud une véritable victoire, et ferait perdre au nord toutes les sympathies qui l’appuient à l’ouest et au centre de la république; ce serait la guerre à recommencer plus tard dans des conditions pires, car on y serait privé du secours des intérêts qu’on aurait une première fois trahis par faiblesse. Dans un entretien privé que les journaux américains ont fait connaître, M. Lincoln a réfuté avec autant de bon sens que de dignité la prétention de ceux qui veulent que l’on sacrifie maintenant la question de l’esclavage à l’intérêt de la paix. — L’abandon de la cause des noirs n’est plus possible, répondait M. Lincoln à son interlocuteur. Notre honneur y est engagé. Nous avons dans nos rangs plus de deux cent mille noirs, devenus nos frères d’armes. Pouvons-nous les replacer sous le joug? — Le courant revient donc au parti républicain. Dans plusieurs états, où les élections viennent d’avoir lieu, dans le Vermont, dans le Maine, le ticket des républicains a passé à une majorité immense. Le recrutement, poussé avec vigueur par l’enrôlement des volontaires, va s’achever dans les états qui n’ont pas fourni encore tout leur contingent par la conscription. Les généraux assurent avec confiance que ce recrutement détruira la dernière illusion des confédérés, complètement épuisés d’hommes. L’élection d’un candidat démocrate est la dernière chance sur laquelle comptent les confédérés; la réélection de M. Lincoln leur enlèverait tout espoir. C’est probablement le sort d’une bataille livrée par Lee à Grant qui décidera de l’élection présidentielle. L’épuisement des confédérés est si visible qu’on peut prédire qu’après cette épreuve, qu’elle leur soit favorable ou contraire, ils ne soutiendront pas longtemps une lutte si inégale et si funeste.

L’arrivée de M. le maréchal Mac-Mahon en Algérie mettra, nous l’espérons, un terme prochain aux agitations et aux incertitudes qui depuis cet été ont troublé notre grande colonie. Nous voudrions voir le symptôme du prompt succès de l’œuvre de pacification qu’entreprend le maréchal Mac-Mahon dans la fin subite des troubles de la Tunisie. Notre escadre de la Méditerranée vient de rentrer sur les côtes de France après avoir rempli, comme on sait, une très longue mission devant Tunis. Au fait, ce qui l’a retenue si longtemps sur la côte barbaresque, ce n’est point cette fameuse révolte des sujets du bey dont on a fait tant de bruit, et qui s’est apaisée tout à coup sans qu’on ait tiré un coup de fusil. Le véritable embarras à Tunis était, non dans l’insurrection arabe, mais dans la présence d’un envoyé ottoman qu’on avait eu la faiblesse de laisser débarquer. Il s’agissait de le faire repartir. Il n’a fallu rien moins que la loyale entente et l’énergique intervention des amiraux français, anglais et italien, pour venir à bout de la politique dilatoire du représentant de la Porte. Cet envoyé est aujourd’hui en route pour Constantinople avec ses deux na-