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avait d’utiles résultats. Cette fois nous n’avons pas même eu de brochure. A défaut de déclarations écrites, les hommes d’état, avec leurs opinions connues, à mesure qu’ils prennent ou quittent le pouvoir, indiquent ordinairement les péripéties politiques qui vont s’accomplir. Le public, pour se mettre sur la voie, n’a pas eu seulement le symptôme d’un changement ministériel. Les hommes d’état qui en France et en Italie demeuraient chargés des négociations diplomatiques ne donnaient par leurs antécédens aucune idée de la transaction préparée. En France, c’était M. Drouyn de Lhuys, dont la rentrée aux affaires étrangères, il y a deux ans, marquait une réaction prononcée contre les tendances favorables à l’Italie qui avaient distingué les derniers actes du ministère de M. Thouvenel. En Italie, à côté de MM. Minghetti et Peruzzi, c’était M. Visconti Venosta, qui, il y a peu de mois, démontrait dans un habile discours que le gouvernement italien ne perdait point de vue l’objectif de Rome. Au dernier moment, c’est par les journaux étrangers, qui, dans la décadence de la publicité politique en France, nous fournissent les fastidieuses informations qu’ils recueillent à la picorée dans les antichambres des diplomates, c’est par cette presse interlope et cancanière que l’on a, par bribes, appris les changemens médités à propos de l’Italie. En vérité, la mise en scène a été par trop négligée, et l’on a vu dans la surprise et les sanglans désordres que la nouvelle de ces changemens a excités à Turin le premier effet de cette triste négligence.

Il faudrait cependant apprécier avec gravité les arrangemens du 15 septembre, afin d’en faire tourner, si c’est possible, les conséquences au profit de l’indépendance italienne et de la cause libérale. Les révélations véritablement officielles faisant encore défaut, on est malheureusement réduit, dans cet examen, aux hypothèses et aux conjectures. Pour bien saisir le caractère du nouvel ordre de choses que l’on veut établir en Italie, on aurait besoin de connaître l’histoire des négociations qui ont préparé la convention, il faudrait savoir par quel chemin on a été conduit aux dispositions auxquelles on s’est arrêté. Sur ce point, nous le répétons, nous ne pouvons que former des conjectures. Nous gagerions cependant que nous ne nous éloignons guère de la vérité en supposant que la mauvaise fin des affaires du Danemark et l’accord subitement révélé des puissances du Nord ont été le point de départ des dernières négociations italiennes. Si nous n’eussions pas laissé consommer la ruine du Danemark, si au mois de janvier dernier nous eussions accepté l’accord que nous proposait l’Angleterre, si l’alliance de la France et de l’Angleterre, manifestée en temps opportun, eût conseillé la prudence à Berlin et à Vienne, si cette alliance eût enlevé à l’Allemagne l’occasion et le motif d’une inquiétante exaltation militaire, il est certain que l’accord des puissances du Nord ne se fût pas reconstitué, et que le statu quo italien eût pu durer encore. Au moment où on laissait succomber le Danemark, nous n’avons pas dissimulé que, parmi les conséquences de la grande faute qui venait d’être commise,