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politiques de la Grande-Bretagne elle-même. « Nous allons au-devant d’une humiliation ou d’une guerre, » disait à plusieurs reprises lord Cowley, et c’est dans des termes presque identiques que s’exprimait aussi lord Derby. « Si la Russie repoussait nos propositions, déclarait le chef du parti tory dans la séance de la chambre des lords du 13 juillet, nous nous verrions dans l’alternative de procéder par la force ou de dévorer une insulte. » Et le comte Grey résumait le débat par cette réflexion irréfutable : « L’intervention diplomatique, si elle ne doit pas être accompagnée par la force, ne fera qu’aggraver les maux de la guerre ; puisqu’on ne veut pas intervenir par les armes, moins on interviendra par les avis, mieux cela vaudra… »

Des avocats intéressés auront beau célébrer le bon sens et la loyauté britanniques, tout esprit impartial reconnaîtra que l’Angleterre a fait en 1863 son possible pour blesser la Russie sans l’intimider, et pour pousser les Polonais au combat sans leur porter le moindre secours. On s’est parfois demandé à Londres sur un ton de malice de quel quartier serait venu à l’insurrection le conseil de durer,… question oiseuse et qui n’est qu’un misérable faux-fuyant ! Ce conseil de durer, toute l’Europe le criait à l’insurrection, et la voix de l’Angleterre ne fut pas certes la plus faible dans ce chœur unanime. En voyant la France parler et protester après avoir hésité et déclaré qu’elle ne parlerait jamais en vain, en voyant la fière Angleterre avec son grand ministre, qui avait pris pour devise le « ciris romanus sum, » intervenir dans sa cause par des notes acerbes et de brûlans discours, en voyant tous les cabinets du monde en émoi et en besogne pour elle, que pouvait faire la Pologne, sinon persévérer dans la lutte et espérer le salut de la prolongation de la guerre ? « Rien n’est plus horrible, — disait le comte Russell dans le parlement le 9 juin, — que la situation actuelle de la Pologne, rien n’est plus horrible que la conduite de la soldatesque russe. Il est pénible pour l’humanité de voir ce qui se passe dans ce pays, et il ne faut pas que la diplomatie fasse des propositions oiseuses et sans chances de succès ; cela placerait les puissances de l’Europe dans une fausse position, si la Russie venait à réprimer l’insurrection. » Le mois d’auparavant (9 mai), le même ministre s’était écrié : « Soyez persuadés que l’opinion publique sera secondée énergiquement. Ce qui a eu lieu en Pologne en 1831-32, ces tentatives tyranniques qui ont passé presque inaperçues, ne pourraient maintenant se reproduire. » En entendant de telles dé-