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En ce qui touche d’abord la cession de la Galicie, — le point de départ naturellement de toute action à entreprendre de concert avec l’Autriche en faveur d’une Pologne indépendante, — c’était là un sacrifice que seul un système de larges compensations aurait pu rendre acceptable au cabinet de Vienne. Bien que la part faite à l’Autriche dans les démembremens de la Pologne n’ait pas été en rapport avec les profits tout autrement grands qu’avaient retirés la Russie et la Prusse de cette œuvre de spoliation, il n’en est pas moins certain que la possession de la Galicie présente à la maison de Habsbourg des avantages précieux et qui ne pourraient pas être si facilement remplacés par un échange quelconque de territoire. Cette province maintient en effet une communication très essentielle entre Vienne et la Transylvanie, elle assure une ligne stratégique de la plus haute importance entre la capitale de l’empire et les populations fidèles des Saxons et des Roumains derrière la Hongrie, toujours douteuse et prête à s’ébranler, — et rien ne prouve mieux le prix qu’attachait de bonne heure le gouvernement autrichien à cette ligne stratégique que le soin qu’il avait mis à la compléter dès 1776 par l’acquisition de la Bukowine. Il n’épargna alors aucun effort pour obtenir du sultan la cession de ce terrain aride et inculte, mais qui avait le mérite de former le dernier anneau de cette chaîne d’étapes sures qu’on avait gagnée quatre ans auparavant, et qui permettait de prendre toujours au revers ce peuple des Magyares, si fier et si amoureux de ses libertés. Les velléités qu’avait montrées le cabinet de Vienne en 1814 d’abandonner immédiatement et même sans compensation la Galicie en vue de la restauration d’un grand état polonais indépendant pouvaient à certains égards s’expliquer par les acquisitions nouvelles et inespérées qu’il venait de faire alors en Vénétie, en Dalmatie, dans le duché de Salzbourg, et surtout par la prépondérance exclusive qu’il s’était assurée en même temps dans la péninsule italienne, ce qui le faisait graviter au midi de l’Europe et le rendait moins soucieux de ses forces territoriales au nord; mais depuis ce temps l’Autriche s’était non-seulement familiarisée avec sa nouvelle fortune et ses dernières conquêtes, elle avait de plus, et tout récemment même, subi une perte immense, cédé le plus beau fleuron de sa couronne; son influence dans le midi avait considérablement diminué, était probablement destinée à s’éteindre tout à fait, — ce qui devait maintenant lui rendre d’autant plus désirable l’augmentation ou tout au moins la conservation intacte de sa position au nord. Qu’on n’oublie pas non plus que la Galicie est de toutes les possessions de la maison de Habsbourg celle qui exige le moins de dépenses (c’est presque une maxime d’état à Vienne qu’il ne faut rien faire pour son déve-