Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/647

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à la Pologne. Il y eut un moment où la guerre fut tout près d’éclater entre les alliés d’hier, quand le retour de l’île d’Elbe vint subitement réconcilier les quatre puissances et porter un coup mortel aux espérances des Polonais. Après Waterloo, l’accord fut bien plus facile au sein du congrès, et le nouveau partage fut scellé. La possibilité cependant d’une alliance de l’Autriche avec la France et l’Angleterre contre la Russie se représenta encore une fois à la pensée du prince de Metternich en 1828, lors de la guerre de Turquie. Ce fut là un des « magnifiques rêves » de cet homme d’état célèbre, qui eut parfois des idées justes dans la politique générale et craignit pour l’avenir de l’Orient dans les rares momens où il oubliait de craindre « l’esprit subversif » de l’Europe. Enfin en 1831 le cabinet de Vienne avait montré pour l’effort des Polonais des dispositions qui ne furent pas précisément hostiles; il fut même le seul, à intervenir entre les belligérans au moyen d’une offre tardive, hélas! de médiation. Tout cela, il est vrai, n’empêchait point le chancelier de l’empire et de l’état de signer la convention de München-Grätz, de faire peser un joug de fer sur la Galicie, d’y persécuter tout sentiment national, de hasarder même les horribles massacres de 1846 et d’effacer de ses propres mains le dernier vestige d’une indépendance polonaise par l’incorporation de la république de Cracovie. On était le prince Clément de Metternich après tout, c’est-à-dire l’homme qui a prononcé un jour cette fatale maxime rapportée par M. de Hormayr, a que la haute police est dans nos temps si étroitement liée à la politique, qu’elle la domine en quelque sorte ! » Et cependant la pensée d’un rétablissement possible de la Pologne n’en continuait pas moins à tenter parfois l’imagination de plus d’un homme politique à Vienne, et il est remarquable que jusqu’en 1848 le gouvernement autrichien n’avait pas songé à élever une forteresse en Galicie, bien que les frontières fussent ouvertes de tous les côtés au royaume, tant il semblait regarder cette dépouille plutôt comme une possession à terme, bonne à pressurer, que comme une acquisition définitive. C’est que l’Autriche en effet n’a retiré du partage de la Pologne qu’un profit médiocre et bien peu en rapport avec les dangers que lui créa l’agrandissement de cette redoutable Russie, qui devint sa voisine immédiate et s’acheminait dès lors d’un pas lent, mais fatal à la conquête de l’Orient. On regrettait de temps à autre, dans certains cercles politiques de la Burg, de n’avoir plus de « coussin » entre la vieille monarchie des Habsbourg et le jeune empire des tsars ; on se rappelait que le voisin des anciens temps, le royaume des Jagellons, n’avait jamais inspiré de pareilles inquiétudes, et qu’il était resté en paix avec le saint empire romain depuis le XIIe siècle; on aurait encore pu se