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autrichienne aux dépens de la Prusse, — et c’est cette dernière considération que lord Bloomfield semble regarder comme le principal mobile de la politique de M. de Rechberg en cette occurrence (dépêche du 12 février). Et toutefois il y avait dans la conduite du gouvernement autrichien, surtout dans sa tolérance en Galicie vis-à-vis de la « révolution, » quelque chose de si insolite, de si peu conforme aux habitudes et traditions de sa bureaucratie, de si hasardeux et provoquant à l’égard de la Russie, qu’on était irrésistiblement amené à y rechercher un motif plus sérieux que le simple désir de satisfaire une rancune ou de recueillir de la popularité. Un esprit éveillé, rompu aux affaires et qui se rendait un compte exact aussi bien des conditions de l’empire des Habsbourg que de ses intérêts et de ses craintes, du rôle surtout que le cabinet de Vienne a joué dans la destruction du royaume des Jagellons et des velléités qu’il a eues depuis à de certains momens dans la cause polonaise, — un tel esprit pouvait bien se demander s’il n’y avait pas là, et dans les circonstances présentes, l’indice de dispositions utiles à connaître, à encourager, et qui, rassurées et stimulées en même temps, seraient capables de donner une tournure décisive à la question, de devenir le salut de la Pologne.


II.

Il ne faut point oublier en effet que le partage de la Pologne au XVIIIe siècle n’a été dans les intérêts ni dans les désirs de l’Autriche et qu’elle n’y avait souscrit qu’à contre-cœur, à la dernière extrémité, et pour ne pas laisser s’agrandir de redoutables voisins sans une compensation quelconque pour elle-même. On connaît la phrase célèbre qu’ajouta Marie-Thérèse de sa propre main en signant la convention avec la Prusse et la Russie pour le premier démembrement du malheureux pays. « Placet, — y lit-on, — puisque tant et de savans personnages le veulent ainsi; mais longtemps après ma mort on verra ce qui résulte d’avoir ainsi foulé aux pieds ce que jusqu’à présent on a tenu pour juste et pour sacré. » L’Autriche ne participa point au démembrement suivant, — qui fut, à coup sûr, encore plus inique, plus marqué au coin d’une violence et d’une ruse vraiment infernales que le premier. De toutes leurs possessions, c’est la Galicie que les Habsbourg s’étaient montrés toujours le plus portés à abandonner dans des instans critiques : ils cédèrent la moitié de cette province lors de l’agrandissement du duché de Varsovie, et ils avaient pris en 1812 l’engagement par écrit de se dessaisir du reste en échange de l’Illyrie; mais c’est surtout au moment de la chute du premier empire, et alors que se débattirent