Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/631

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

deur de France à Saint-Pétersbourg. » Trois jours plus tard (5 mars, dépêche à lord Cowley), le ministre anglais devenait encore plus pressant. Il avait eu un entretien avec le comte Appony, ambassadeur d’Autriche à Londres; celui-ci lui avait lu une communication du comte Rechberg au prince de Metternich, et lord Russell en avait retiré la conviction « que la ligne adoptée par l’empereur d’Autriche se rapprocherait graduellement de celle de l’Angleterre et de la France. » — « Le gouvernement de sa majesté est donc d’avis, ajoutait-il, que la prochaine démarche à faire serait d’inviter les puissances principales qui ont signé le traité de Vienne à concourir à conseiller à la Russie de revenir aux stipulations et à la politique du traité de Vienne à l’égard de la Pologne. » Déjà lord Bloomfield avait reçu l’ordre de demander ce concours au cabinet autrichien, et la même démarche était prescrite aux différens ambassadeurs de sa majesté près les cours de Prusse, d’Italie, d’Espagne, de Portugal, de Suède et des Pays-Bas.

La position de la France au début de cette nouvelle phase des négociations devenait très embarrassée. Après sa première sortie dans la question de la convention prussienne, et malgré l’échec subi à cette occasion et le dépit qui en était naturellement résulté, il ne lui était guère plus loisible de rentrer, au sujet de la Pologne, dans le silence qu’elle avait gardé avant cet incident. En même temps lord Russell la mettait pour ainsi dire en demeure de se déclarer franchement contre la Russie, chose qu’elle avait toujours évitée, et de plus cette déclaration, on lui proposait de la faire au nom de ces traités de 1815 qui lui inspiraient une répugnance plus ou moins fondée, mais invincible!... Aussi le ministre des affaires étrangères de France fit-il un accueil plus que froid aux ouvertures de lord Cowley (3 mars); il promit seulement d’envoyer à ses ambassadeurs à Berlin et à Saint-Pétersbourg la copie de la dépêche du comte Russell à lord Napier, « en leur faisant observer que le langage du gouvernement de la reine était généralement d’accord avec celui qui leur avait été prescrit. » Enfin, quand vint de Londres le projet d’une demande de concours aux signataires du traité de Vienne, le ministre français dit qu’il prendrait les ordres de l’empereur, et comme lord Cowley se rendait à Londres, il profita de ce départ pour différer toute réponse. Ce n’est que dans la seconde moitié de mars, et au retour de l’ambassadeur anglais (dépêches des 16 et 18), que M. Drouyn de Lhuys déclara que « la France avait déjà dit séparément à Saint-Pétersbourg tout ce qu’elle avait pu dire, » et déclina ainsi catégoriquement la proposition d’écrire une dépêche dans le sens de celle qui avait été adressée à lord Napier. Quant au projet d’une représentation que pourraient faire