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Grant commencèrent leur mouvement offensif en franchissant ce cours d’eau. Elles n’eurent pas à rencontrer de forte opposition. Lee, attendant son adversaire beaucoup plus à l’ouest, n’était pas en mesure de lui résister. Il dut évacuer précipitamment les fortifications qu’il avait construites pendant l’hiver, et se porta en travers de la ligne de marche qu’avait à suivre l’armée du général Grant. Le premier choc eut lieu, le 5 au soir, dans les solitudes de Wilderness, fourré presque inextricable de plus et de chênes rabougris où la cavalerie, où l’artillerie elle-même, n’ont pas assez de place pour manœuvrer. Aussitôt après avoir opéré une rapide reconnaissance, Lee, employant la tactique qui lui avait déjà réussi en tant de batailles, lança ses forces par grandes masses sur la droite fédérale, commandée par le général Sedgwick. Ce corps résista sans broncher pendant toute la soirée, et par sa fière attitude permit au centre et à la gauche de l’armée de faire des progrès importans. Le lendemain, 6 mai, le général Lee garda l’offensive. A la tête de ses troupes les plus solides, il vint heurter le centre, puis la gauche; mais il ne put les rompre. Il était déjà tard, et la nuit se faisait. Les assaillans se jettent alors avec furie sur la droite, qui déjà la veille avait porté tout le faix de la bataille. Epuisés par la longue lutte, quelques régimens de Sedgwick faiblissent; l’extrême droite est débordée, une déroute partielle commence, et des fuyards couvrent les chemins qui mènent vers les gués du Rapidan. Un officier effaré annonce la nouvelle au général Grant, qui s’appuyait contre un arbre en fumant dans sa pipe de bois, silencieux, impassible. Le général regarde le messager, puis son état-major consterné. « Je ne le crois pas, » dit-il tout simplement. En effet, le mal n’était pas aussi grand qu’on aurait pu le supposer, car l’obscurité croissante et la nature du terrain empêchaient les confédérés de poursuivre leurs avantages. Pendant la nuit, le général Grant fit changer de front à toute son armée et fortifia considérablement sa gauche, chargée à son tour de prendre l’offensive et de tourner les forces de Lee. Celui-ci, voyant quel était le danger, ne voulut point risquer un nouveau combat; il donna l’ordre de la retraite, et, poursuivi par les forces de Grant, il se rendit en toute hâte sur les hauteurs de Spottsylvania, à 20 kilomètres plus au sud. Près de 20,000 morts et blessés étaient tombés au milieu des broussailles de Wilderness.

De son côté, le général Butler avait admirablement rempli la partie du programme qui lui avait été confiée. Depuis plusieurs mois déjà, il travaillait avec acharnement à des préparatifs de campagne, dirigés en apparence contre les avenues de Richmond qui aboutissent à York-River. Il faisait creuser des bassins sur les bords de ce fleuve, il accumulait des approvisionnemens, il réparait les jetées et