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dans les retranchemens de l’ennemi. Quelques jours après, presque toute son armée passait le Tennessee sans être inquiétée par l’ennemi et s’emparait des hauteurs qui dominent à l’ouest les campagnes de Chattanooga. Le 9 septembre, le général Rosecrans, ayant terminé tous ses préparatifs de bataille, envoya le corps de Crittenden en reconnaissance dans la direction de la ville. Elle était déjà évacuée depuis la veille. Bragg avait abandonné une seconde fois sa ligne de défense pour se replier vers le sud dans l’intérieur de la Géorgie. C’était à n’y pas croire. On se demanda longtemps si les confédérés n’avaient pas reculé pour faire tomber l’armée unioniste dans quelque terrible embûche. On ne pouvait expliquer autrement l’abandon d’une position qui est la clé de toute la vallée centrale du Tennessee, la gardienne des principales voies ferrées du sud, le centre stratégique d’un territoire très considérable.

Les revers n’arrivent jamais seuls. Au moment où la confédération perdait Chattanooga, elle perdait aussi tout le Tennessee oriental. L’expédition victorieuse du général Rosecrans avait eu pour complément la marche triomphale du général Burnside. Celui-ci, après avoir quitté la vallée du Cumberland, s’était dirigé au sud-ouest de manière à coopérer avec l’armée de Rosecrans, puis, franchissant les montagnes par des chemins difficiles, où un millier d’hommes déterminés auraient pu l’arrêter, il avait heureusement gagné la ville importante de Kingston, située au confluent des rivières Clinch et Tennessee. Le même jour (1er septembre), un de ses lieutenans, le colonel Poster, s’empara de Knoxville, chef-lieu de la haute vallée du Tennessee oriental. Pour achever la conquête de tout le pays, il ne restait plus aux fédéraux qu’à s’emparer du col ou gap de Cumberland, à travers lequel passe la route directe de Knoxville au Kentucky. Par un rapide mouvement de flanc, le général Burnside coupa la retraite au détachement de confédérés qui occupait ce passage, tandis qu’une colonne d’unionistes venue du Kentucky escaladait du côté du nord les pentes de la montagne. Entourés de toutes parts, les rebelles, au nombre de 2,000, se rendirent le 9 septembre, sans avoir opposé de résistance sérieuse. C’était là un succès de la plus haute importance, Cumberland-Gap étant pour ainsi dire la clé de toutes les vallées supérieures du Tennessee. Ce qui rend la possession de ce col plus précieuse encore, c’est que les contrées auxquelles il donne accès au sud et à l’est sont peuplées presque uniquement de cultivateurs hostiles à l’esclavage et fidèles à la cause de l’Union. Semblables aux murailles d’une forteresse assiégée, les hautes chaînes de montagnes parallèles du Tennessee oriental et de la Caroline du nord ont toujours protégé les habitans de ce pays contre les envahissemens de l’aristocratie des grands planteurs. Seule, la force brutale avait pu entraîner en