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jour trop tard. Lee, reconnaissant que le mouvement de Burnside n’était pas une feinte destinée à masquer d’autres opérations, eut le temps de concentrer toutes ses forces et de consolider ses retranchemens sur la ligne de hauteurs qui se développe en un demi-cercle convexe au sud de Fredericksburg et d’un méandre du Rappahannock. Le 13, de grand matin, l’assaut de ces redoutables positions commença sur plusieurs points, et bientôt les deux armées furent aux prises sur une ligne de bataille n’ayant pas moins de 10 kilomètres de longueur. De part et d’autre les combinaisons stratégiques se réduisirent à fort peu de chose pendant cette terrible journée. L’armée fédérale, composée de trois divisions que commandaient les généraux Sumner, Hooker et Franklin, n’avait d’autres ordres que de gravir les terrasses successives qui dominent le fleuve et d’escalader les hauteurs sous la protection de l’artillerie; les confédérés, encouragés par les trois hommes de guerre les plus remarquables du sud, Lee, Longstreet et Jackson, n’avaient qu’à défendre les pentes des collines et les retranchemens de la crête. Les assaillans s’épuisèrent en vains efforts; lorsque la nuit vint mettre un terme à la lutte, la gauche seule, commandée par le général Franklin, avait obtenu quelque succès : les forces de Jackson, le « mur de pierre, » avaient reculé de plus d’un kilomètre devant elle. Sur tous les autres points, la position des deux armées n’avait pas changé. Dans cette journée sanglante, les fédéraux subirent de bien plus grandes pertes que leurs adversaires: ils comptèrent plus de 10,000 morts et blessés, tandis que l’armée confédérée, grâce à son heureuse position, perdit 3,000 hommes à peine. Cependant le général Lee, respectant la fière attitude des unionistes, n’osa point utiliser la journée du lendemain pour descendre de ses retranchemens et fondre sur les vaincus. Durant la nuit du 15 au 16 décembre, le général Burnside put à loisir évacuer Fredericksburg et transférer son armée et tout son matériel sur la rive septentrionale du Rappahannock.

La rumeur fut grande à Washington, à New-York et dans tous les états du nord lorsque le désastre fut connu. C’était la quatrième campagne entreprise contre Richmond qui se terminait d’une manière fatale : l’échec du général Burnside ravivait le souvenir de l’insuccès des généraux Mac-Dowell, Mac-Clellan et Pope dans leurs tentatives précédentes. M. Stanton, secrétaire de la guerre, le général en chef Halleck, le président Lincoln, furent accusés avec violence par une grande partie de la presse de s’être arrogé sans nécessité la conduite exclusive des opérations militaires et d’avoir ordonné péremptoirement une attaque dont la réussite était impossible. Exagérée par le parti des démocrates franchement hostiles à l’administration républicaine, la défaite de Fredericksburg servit