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Il est triste de constater que ces résolutions de vengeance prises par le président et les assemblées délibérantes de la confédération esclavagiste ne restèrent pas tout à fait lettre morte. Trop souvent les menaces furent mises à exécution non sur les prisonniers blancs, envers lesquels on continua de respecter le droit des gens, mais sur les noirs que le sort de la guerre fit tomber entre les mains de leurs anciens maîtres. Que le soldat nègre capturé ait joui pendant toute sa vie de la liberté, ou qu’il ait récemment secoué la servitude, peu importe aux confédérés : ils ne considèrent pas les noirs captifs comme des prisonniers de guerre; ils massacrent les uns de sang-froid, font périr les autres sous le fouet, leur infligent le supplice infamant du gibet, ou bien encore, aussitôt après le combat, les expédient dans l’intérieur du pays et les font vendre comme esclaves. Ce sont là des faits dont les soldats de la confédération, fiers d’avoir accompli leur œuvre, ne craignent point de se vanter. Contre le nègre, le blanc peut se permettre toutes les infamies. Au mois de novembre 1863, la garnison d’une ville voisine de Charleston trouva plaisant de lancer en éclaireurs contre un bataillon fédéral de soldats noirs des limiers dressés à la chasse de l’esclave. Les nègres durent tuer les chiens à coups de baïonnette avant d’arriver aux maîtres, qui du reste furent battus, et se réfugièrent en toute hâte au-delà d’un bayou protecteur.

Devenu plus fort et plus résolu depuis la proclamation du président, le gouvernement fédéral put enfin entreprendre de réorganiser l’armée en l’employant uniquement à son œuvre de guerre et en empêchant les chefs, même les plus illustres, d’intervenir d’une manière directe dans les affaires de la république. Le 25 octobre, Buell, à qui on reprochait d’avoir fait preuve d’une déplorable faiblesse envers les esclavagistes et de n’avoir pas su détruire l’armée de Bragg aventurée dans le Kentucky, fut destitué de son commandement et remplacé par le général Rosecrans, l’un des vainqueurs de Iuka et de Corinth. Le 5 novembre, le général Mac-Clellan, cet habile tacticien que ses admirateurs se plaisaient à nommer le jeune Napoléon, dut également rentrer dans la vie privée et remettre au général Burnside la direction de l’armée du Potomac. Bien qu’il en coûtât au gouvernement fédéral d’infliger une destitution au vainqueur d’Antietam, cependant une mesure de ce genre était devenue absolument nécessaire pour sauvegarder la dignité du pouvoir exécutif et le jeu régulier des institutions républicaines. Personne ne contestait les talens du général Mac-Clellan comme organisateur et comme tacticien. Ceux qui lui avaient confié le commandement en chef de l’armée dans un moment de danger suprême eussent été mal venus à nier son mérite; mais ils l’accusaient à juste titre de se mettre au-dessus de la discipline et de se