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exposé des faits militaires qui se sont accomplis depuis cette époque prouvera, nous l’espérons, qu’en dépit de triomphes passagers les rebelles ont perdu définitivement la moitié de leur territoire et subi d’irréparables défaites. Les planteurs et leurs institutions ne sortiront point victorieux de la lutte. Si bien des fois dans ce siècle la justice a succombé, c’est une consolation de savoir qu’en Amérique du moins la force matérielle et la certitude du succès appartiennent à la cause du droit. Qu’on ne l’oublie point : quand les planteurs ont inauguré la rébellion, les États-Unis étaient la terre de l’esclavage, et tous les amis de la liberté rougissaient en parlant de la république américaine ; à la fin de la lutte, quatre millions de noirs auront été libérés, le pays de Washington ne sera plus déshonoré par le spectacle de la servitude, et dans le monde entier la force des idées démocratiques sera doublée par ce triomphe de la justice.


I. — PREMIERE INVASION DU MARYLAND. — BATAILLE D’ANTIETAM. — FREDERICKSBURG ET MURFREESBOROUGH.

Au commencement de septembre 1862, après seize mois d’une lutte acharnée, la restauration future de l’union fédérale semblait impossible et l’intégrité des états libres eux-mêmes était menacée. Les forces du nord avaient, il est vrai, conquis Nashville, capitale du Tennessee, et la Nouvelle-Orléans, métropole du sud, elles s’étaient emparées de Norfolk, des côtes de la Caroline du nord, de l’archipel de Port-Royal et du fort Pulaski; mais la grande armée du Potomac s’était fondue presque tout entière devant Richmond, et les confédérés reprenaient l’offensive contre Washington. Le général Jackson, le tacticien le plus audacieux du sud, ayant réussi, par une marche imprévue, à tourner la position des fédéraux campés sur les bords du Rappahannock, ceux-ci avaient dû faire subitement volte-face pour reconquérir leurs libres communications avec Washington, et sur le champ de bataille de Bull-Run, de fatale mémoire, ils avaient éprouvé une sanglante défaite, non moins désastreuse que celle de l’année précédente. Au lieu de s’attarder à la poursuite des fugitifs, le général Lee, qui commandait en chef toutes les forces confédérées, évaluées à 150,000 ou 200,000 hommes, s’était hâté de remonter la vallée du Potomac et de pénétrer dans le Haut-Maryland, d’où il menaçait à la fois Washington, Baltimore et les villes industrielles de la Pensylvanie méridionale. En même temps de mauvaises nouvelles arrivaient de l’ouest, le Missouri était envahi par les bandes du Texas et de l’Arkansas ; dans le Tennessee, le général Buell se laissait tourner par l’armée confédérée du général Bragg; les rebelles victorieux envahissaient et traversaient le