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penser que la combinaison caressée par le ministre sera inopportune et inefficace ? C’est en très grande partie l’application disproportionnée des capitaux aux travaux publics qui est cause de la hausse de l’intérêt dont souffrent aujourd’hui le commerce et l’industrie, et cette hausse de l’intérêt sera le frein qui arrêtera tout projet financier grandiose à l’aide duquel on voudrait imprimer aux travaux publics un mouvement d’accélération trop rapide. La meilleure formule pour préparer et renouveler les ressources après lesquelles on courrait vainement, c’est de se reposer et d’attendre pendant quelque temps que la situation financière se dégage, que des réserves applicables aux travaux publics se reforment. Là, comme sur d’autres points, un moment de halte est nécessaire.

C’est surtout quand on tient compte de ce fait que les grandes diversions sont épuisées et que tout doit nous ramener au souci de la politique intérieure, qu’on est surpris, frappé, alarmé presque du vide et du néant que l’on rencontre de ce côté. Pour pâture à une polémique de politique intérieure, nous n’avons rien, pas même, comme il y a quinze jours, une élucubration de M. de Persigny. La session des conseils-généraux, plus éteinte encore cette fois que les autres années, ne nous a rien fourni. Dans quelques conseils, on aurait voulu avec une extrême modération appeler l’attention du gouvernement sur une question bien intéressante, relative à la nomination des maires. Dans le conseil du Lot notamment, notre collaborateur M. A. Calmon et deux de ses amis auraient désiré exprimer le vœu que les maires des communes fussent toujours choisis par le gouvernement parmi les membres des conseils municipaux. Les raisons de bonne administration ne manquent point assurément à la justification d’un vœu semblable. Quoi de plus naturel d’ailleurs que les conseils-généraux s’intéressent à la bonne administration des communes ? Le vœu n’a pu être exprimé ; bien plus, il n’a pu devenir l’objet d’une discussion, le président du conseil du Lot, M. le maréchal Canrobert, ayant refusé de mettre la question en délibération, sous prétexte qu’elle est politique et dépasse les attributions des conseils-généraux. De ce qu’on ne veut point l’aborder, même par les plus petits côtés, le grand problème de la politique intérieure de notre temps en subsiste-t-il moins ? Ne peut-il pas, d’un jour à l’autre, s’imposer à nous à l’improviste en réclamant une solution soudaine ? La question intérieure, c’est la participation libre, rapide, régulière, des citoyens au gouvernement. Nous sommes dans une civilisation où le gouvernement ne peut plus descendre d’une région supérieure à la société, où il doit sortir au contraire de la société elle-même, poussant librement au pouvoir les citoyens les plus dignes. Il y a là comme une loi de la raison et de la nature à laquelle il faut savoir se conformer par le travail incessant des institutions politiques. La constitution actuelle ne s’était pas proposé une autre tâche en nous promettant le couronnement de l’édifice. Elle aussi, elle nous invitait à avoir foi dans l’avenir. Si les uns par obstination et les autres par