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qui empêche la chaleur de se dissiper dans, l’espace. Voici le singulier phénomène qu’ont observé Lamarck, Sennebier, Bory de Saint-Vincent et de Saussure lui-même. Habituellement l’Arum est froid, mais à un moment donné qu’il faut guetter et savoir saisir, la plante s’élève de 7 à 8 degrés au-dessus de la température de l’air. Hubert, observateur très sagace, réussit à introduire un petit thermomètre très sensible, tantôt au milieu des étamines, qui s’échauffèrent de 22 degrés, tantôt entre les pistils, qui produisaient une action moitié moindre. Les autres parties de la plante n’accusaient aucune action spéciale. À force de soins et de surveillance, de Saussure surprit quatre Arums dans le moment où ils étaient échauffés, il les mit sous une cloche de verre remplie d’air. Aussitôt elle se couvrit d’une buée qui s’attachait aux parois, il y eut une grande absorption d’oxygène et une production correspondante d’acide carbonique. Far son action chimique et par l’énergie de cette action, la plante était comparable à un rat. Une autre fois, de Saussure décomposa la plante en diverses parties qu’il étudia séparément : les organes sexuels consommèrent 132 mesures d’oxygène et le reste de la fleur en prit seulement 30.

Après la fécondation, le fruit commence à se développer et la plante à le nourrir. Non-seulement elle lui fournit la matière qui s’accumule en ses tissus, mais elle lui en donne une quantité plus grande encore et qu’il brûle par une respiration qui lui est propre ; Toute la vie du végétal semble alors exclusivement consacrée à l’accomplissement de ce dernier devoir, nourrir le fruit. À cette tâche il s’appauvrit ; la betterave et la canne dépensent tout le sucre qu’elles possédaient, toutes les plantes épuisent les provisions qu’elles avaient accumulées à l’époque de leur jeunesse, et quand le fruit est mûr, le végétal, s’il est annuel, est réduit à un squelette desséché, et s’il est vivace, il s’endort dans le repos de l’hiver pour reprendre des forces et pour recommencer l’année suivante sa fonction providentielle.

L’étude qu’on vient de lire, outre les questions de détail que je voulais examiner, contient une grande vérité par laquelle je veux conclure, c’est que notre terre ne se suffit pas, parce qu’il lui manque la force ; mais elle la reçoit du soleil, qui la lui verse sous la forme de rayons. Grâce à cet emprunt, la vie se transmet sur le globe sous deux formes antagonistes, la vie végétale, qui accumule la force en créant de la matière organique, et la vie animale, qui dépense et dissipe ce que le soleil fournit, ce que les végétaux absorbent et conservent.


J. JAMIN.