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nomination de Grégoire, soit pour donner ouverture à contestation, si elle était faite. Des évêques égyptiens devaient les suivre de près secrètement et mettre au service de ces misérables leurs conseils, leurs personnes et jusqu’à leur ministère épiscopal.

Maxime était un vagabond qui menait de front le double métier de philosophe cynique et de chrétien. En qualité de cynique ou de chien, comme on disait plus souvent, il portait un bâton, une tunique blanche percée de trous, une besace, et joignait à ce costume ordinaire de sa secte une longue chevelure inculte qu’il rougissait avec des pommades caustiques pour mieux attirer l’attention. Il s’était fait dans les villes de Grèce prédicateur de carrefour, orthodoxe du reste, et expliquant, au milieu de farces sacrilèges, les mystères les plus révérés de la religion aux portefaix et aux servantes. C’est sur un pareil homme que Pierre d’Alexandrie avait jeté les yeux pour en faire un évêque de la ville impériale. Guidée par ses instructions, la séquelle malfaisante des conducteurs de l’annone se fut bientôt accointée avec les mariniers du port ; un des prêtres de Grégoire, jaloux de lui, se fit leur instrument, et un autre prêtre de Thase, venu pour acheter des marbres destinés à son église, leur livra l’argent dont il était porteur ; en peu de jours, ils purent répondre d’une partie du peuple des faubourgs. Cependant les évêques égyptiens étaient à leur poste, et Maxime redoublait de bouffonneries pour se concilier la multitude. Enfin, par une nuit obscure, les mariniers du port l’enlèvent, le conduisent dans l’église et le placent sur le trône épiscopal, pendant qu’on allait quérir les évêques. Ce fut un étrange spectacle que de voir ce bateleur, en costume de cynique, le bâton à la main, la tête garnie de son épaisse crinière, entouré d’évêques en habits sacerdotaux, qui procédaient au cérémonial d’une ordination. Le jour les surprit avant qu’elle fût achevée, et des fidèles, entrés par hasard dans l’église, se mirent à pousser de grands cris, demandant quelles saturnales on préparait là. Ces cris et la foule toujours croissante effrayèrent les évêques, qui s’enfuirent, emmenant avec eux Maxime, qu’ils achevèrent de tondre et de sacrer dans une échoppe voisine, habitée par un joueur de flûte. Tel fut l’indigne concurrent suscité contre Grégoire à la veille du concile, et que l’église d’Occident ne rougit pas d’appuyer.

Le concile se réunit au mois de mai de l’année suivante, 381, et, quoique aucun évêque occidental n’y figurât, l’assemblée n’en prit pas moins le titre d’œcuménique ou générale, sous lequel elle avait été annoncée, et que lui a conservé l’histoire. Peu de conciles des premiers temps de la chrétienté se sont montrés plus passionnés et plus turbulens. « C’était, dit Grégoire de Nazianze, qui ne ménage pas celui-ci, une armée de grues et d’oisons acharnés les uns