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certain temps de végétation, on la cueille, et alors on mesure, par de nouvelles analyses chimiques : premièrement ce qu’elle a gagné de charbon, d’oxygène, d’hydrogène et d’azote ; secondement ce que le sol a perdu de ces substances, c’est-à-dire ce qu’il a donné à la plante. La différence est due ou bien à l’air ou bien à l’eau. Cela revient à établir le compte, et finalement la balance des profits et des pertes.

L’application de cette méthode, aussi rigoureuse en sa conception que difficile en sa pratique, a révélé un premier fait du même ordre que la décomposition de l’acide carbonique. Toutes les plantes ont acquis un excès d’hydrogène qui ne leur vient pas du sol, ni de l’air, qui n’en contient pas ; il a été de toute nécessité emprunté à l’eau. Les plantes ne bornent donc pas leur action à séparer l’oxygène du carbone, elles dissocient aussi l’hydrogène et l’oxygène, gardant le premier, rendant le second. L’eau était de l’hydrogène brûlé, comme l’acide carbonique était du charbon consumé ; dans les deux cas, les plantes ont détruit les effets de la combustion en remettant les corps combustibles dans l’état où ils étaient avant d’être brûlés. En constatant cette action, finalement exercée sur l’eau, on n’a pas réussi à savoir quand elle s’effectue et dans quels organes elle s’accomplit.

Une deuxième conséquence ressort des analyses de M. Boussingault, c’est que toute plante arrivée à maturité a gagné de l’azote, qui se réfugie surtout dans ses graines ; comme cet azote peut venir ou de l’air qui le contient à l’état de liberté, ou des engrais que l’on a donnés au sol, il fallait installer des expériences spéciales pour en déterminer l’origine. Voici comment opéra M. Boussingault : il sema d’abord du trèfle dans un sol exclusivement constitué par du sable calciné et qui devait exclusivement fournir au végétal naissant des matières minérales et l’eau pure dont on l’humectait ; quant à l’azote, il n’en contenait point. Dans ces conditions exceptionnelles, le trèfle a néanmoins accompli toutes les phases de sa végétation, et finalement il avait acquis une proportion faible mais certaine d’azote qui venait nécessairement de l’air. Le topinambour donna le même résultat avec plus de netteté. Après avoir mûri, il contenait deux fois autant d’azote que la graine dont il provenait ; mais quand on essaya de reproduire l’expérience avec les céréales, et surtout avec le froment, on vit que l’azote de la graine s’était précieusement conservé, mais ne s’était aucunement augmenté.

Dans tous ces cas, la végétation des plantes était extrêmement pénible, aucune d’elles n’avait l’aspect de santé qu’on leur voit dans les sols riches ; le topinambour cependant souffrait moins que le trèfle, et celui-ci moins que le blé, qui ne put arriver jusqu’à donner des graines mûres. La raison en est évidente, l’azote manquait ; toutes les plantes le demandent, le blé l’exige, et quand elles ne le trouvent pas dans le sol, elles languissent et souvent elles meurent. Afin de confirmer cette conclusion, M. Boussingault soumit à une épreuve comparative trois pieds de soleils (helianthus) plantés