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qu’il n’avait pas comprises, et en physiologie végétale des expérience » contradictoires qu’il n’avait pas su concilier.

Cependant Priestley ne s’était trompé en rien ; les plantes en effet accomplissent alternativement les deux fonctions qu’il leur avait assignées, et la seule chose qu’il n’avait pas découverte, c’est la condition qui détermine souvent l’une, la fonction réparatrice, quelquefois l’autre, l’action délétère, condition que Bonnet avait entrevue et que Ingen-Housz allait mettre en complète évidence. Ingen-Housz était né à Breda, en 1730 ; Il était médecin ; il vint en Angleterre pour y étudier l’inoculation de la variole, dont on commençait à s’occuper. C’est dans ce voyage qu’il se mit au courant des travaux de Priestley et qu’il résolut d’en expliquer les contradictions ; il en trouva la cause en 1779, et voici comment il résume lui-même sa découverte : « A peine fus-je engagé dans ces recherches que la scène la plus intéressante s’ouvrit à mes yeux. J’observai que les plantes n’ont pas seulement la faculté de corriger l’air impur en six jours ou plus, comme les expériences de M. Priestley semblent l’indiquer, mais qu’elles s’acquittent de ce devoir important dans peu d’heures de la manière la plus complète ; que cette opération merveilleuse n’est aucunement due à la végétation, mais à l’influence de la lumière du soleil sur les plantes ; qu’elle commence seulement quelque temps après que le soleil s’est élevé sur l’horizon et qu’elle est suspendue entièrement pendant l’obscurité de la nuit ; que les plantes ombragées par les bâtimens élevés ou par d’autres plantes ne s’acquittent pas de ce devoir, c’est-à-dire n’améliorent pas l’air, mais au contraire exhalent un air malfaisant et répandent un vrai poison dans l’air qui nous environne ; que la production du bon air commence à languir vers la fin du jour et cesse entièrement au coucher du soleil ; que toutes les plantes corrompent l’air environnant pendant la nuit ; que toutes les parties de la plante ne s’occupent pas de purifier l’air, mais seulement les feuilles et les rameaux verts ; que les plantes acres, puantes et même vénéneuses s’acquittent de ce devoir comme celles qui répandent l’odeur la plus suave et qui sont les plus salutaires, etc.[1] »

Ingen-Housz venait ainsi de découvrir la force qui détermine la respiration des plantes ; cette force qui n’avait pas même été soupçonnée vient du soleil, c’est la lumière. Elle se dépense dans les feuilles qui l’absorbent et accomplit cet immense travail de régénérer l’atmosphère. Désormais le pas le plus important, comme aussi le plus difficile, était franchir mais il restait encore tout autant à faire. Les sciences ressemblent au tonneau des filles de Danaüs, chacun travaille à le remplir, aucun n’y suffit, parce que toute découverte dévoile un horizon nouveau et ne fait que reculer un but qui ne s’atteint jamais. Après Ingen-Housz, on dut se demander et on se demanda en effet quelle est cette altération de l’air que les animaux déterminent

  1. Expériences sur les végétaux, par T. Ingen-Housz, 1780.