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Populonia avec ses restes de murs cyclopéens. C’était une des plus vieilles villes de l’Étrurie, Populonia mater, comme l’appelle Virgile. Plus loin apparaît Campiglia, qui à cette distance semble adossée au Monte -Calvi ; à droite de Campiglia, tout à fait dans les terres, Massa-Marittima se dresse sur une hauteur. Si l’on se tourne du côté opposé, vers le couchant, on voit la silhouette de la Corse et de la Sardaigne se profiler sur une seule ligne. Un point blanc vers le nord annonce le port de Bastia.

Dans une île comme celle que nous venons de décrire, on pourrait croire que la physionomie des habitans reflète quelque chose du riant paysage qui les entoure. Il n’en est rien, et le caractère des insulaires paraît se ressentir encore des agitations politiques qu’ils ont traversées. N’oublions pas que des luttes incessantes avec les Barbaresques, un manque complet de sécurité, l’incertitude du lendemain, ont été pendant plusieurs siècles comme le lot fatal réservé aux Elbains. À l’intérieur, ils ont dû chaque jour s’étudier à résister à des maîtres avides, également jaloux d’occuper le pays et de le pressurer sous prétexte de le défendre. On dirait que les insulaires ont gardé sur leurs traits l’empreinte de ces préoccupations du passé. Ils ont un aspect austère, parlent peu, semblent défians. On remarque quelques figures étranges, comme un souvenir effacé du type more. Chez tous, il existe un grand fonds de courage et d’énergie. L’île a donné en tout temps de bons marins ; elle dispute à Modène, où vivent encore les traditions laissées par le rival de Turenne, Montecuculli, la gloire de fournir les meilleurs artilleurs de la péninsule.

La physionomie des habitans change d’ailleurs suivant le point de l’île où ils sont nés[1]. L’élément italien, le pur toscan, se retrouve à Porto-Ferrajo, fondé par Cosme de Médicis. À Rio, mais surtout à Porto-Longone, c’est le sang espagnol qui domine, et les types seraient là pour le témoigner, si déjà une foule de noms en ez, terminaison étrange en Italie, ne dévoilaient une provenance ibérique. À Porto-Longone, à Capoliberi, il y a aussi nombre d’habitans d’origine napolitaine, les Bourbons de Naples ayant hérité dans ces mers de ceux d’Espagne. À Campo, mais surtout à Marciana, des Corses, des Génois, sont venus se fondre dans la population et créer des villes de marins. Les Marcianais sont renommés par toute l’île pour leur amour du commerce et des voyages, et

  1. La population de l’Ile d’Elbe est en nombre rond de 22,000 habitans disséminés sur un pareil nombre d’hectares.